vendredi 29 septembre 2023

Nouvelles du 3ème trimestre 2023

 Bonjour,

Après ces trois mois de silence, je vous retrouve pour ce nouveau petit bulletin informatif. J’espère que vous avez tous passé de bonnes vacances d’été, malgré le temps mitigé. Vous voilà en chemin vers un nouvel automne et un hiver pas trop rigoureux je l’espère.

Ici au Brésil, l’hiver se termine et nous allons progressivement retrouver les grosses chaleurs. Les trois mois écoulés depuis nos dernières nouvelles se sont  bien passés. Il y a des choses très positives, d’autres un peu plus tristes, mais dans l’ensemble, ce fut un bon trimestre. Vous allez pouvoir découvrir toutes les dernières nouvelles dans les pages qui suivent.

Grâce à une aide spéciale de Belgique, j’ai pu en ce mois d’août faire des inscriptions et accueillir quelques nouveaux petits garçons et filles ; j’en suis vraiment très heureuse et toute notre équipe également. La demande est tellement grande ! Tant de familles dans le besoin recherchent notre aide ! Alors voilà, les enfants, les familles et nous tous sommes heureux d’avoir pu répondre un peu à cette demande.

Encore un immense MERCI à vous tous, amis de Belgique et d’ailleurs, pour votre soutien fidèle, votre confiance et votre générosité !

                                                                                                  Evelyne



L’EXTRÊME PAUVRETÉ DE NOTRE RÉGION DU « VALE DO AÇO »

Les 4 municipes de la Région Métropolitaine du « Vale do Aço » (Vallée de l’acier), dont fait partie notre ville de Coronel Fabriciano, concentrent la plus grande population en situation de pauvreté et de bas rendement de l’intérieur de notre état de Minas Gerais. Ce sont près de 200.000 personnes vivant avec maximum 210 Reais par mois (40 Euros).

Dans la région, la proportion de personnes dans la pauvreté est la plus élevée à Coronel Fabriciano, avec 47,82%.

Le combat contre la pauvreté se fait bien sûr grâce à la création d’emplois, aux programmes sociaux. Mais malgré tout, à long terme, la forme la plus efficace de combat contre la pauvreté est l’investissement dans l’éducation. Mais pas n’importe quelle éducation. C’est l’investissement dans une éducation de qualité. Et c’est là que le gouvernement fédéral pourrait aider les régions les plus défavorisées.

Parmi les régions les plus importantes de Minas Gerais, le « Vale do Aço » est la seule qui n’ait pas d’université publique, ni fédérale ni de l’état. C’est inacceptable dans une région industrielle qui compte plus de 400.000 habitants. Une fois de plus, ce sont les enfants des familles favorisées qui ont l’opportunité de se former dans de bonnes universités privées, trop chères et donc inaccessibles aux enfants pauvres.

Dieu qu’il est difficile de rompre le cercle vicieux de la pauvreté !

                                                                                                                  Evelyne


LE TERRIBLE FLÉAU DE LA DROGUE

Le monde entier est désormais envahi par la drogue. Beaucoup de pays luttent contre ce fléau et régulièrement, nous voyons aux nouvelles qu’ont eu lieu de grosses appréhensions de toutes sortes de drogues. Cette lutte contre le trafic est très bien, mais elle ne résoud hélas pas le problème. Car celui-ci est devenu tellement important qu’il semble ne jamais avoir de fin. Je suis les actualités belges et je sais combien ce problème touche la Belgique également, principalement dans la région anversoise.

Ici au Brésil, inutile de vous dire que la drogue est omniprésente, dans tout le pays. Et malheureusement, elle circule énormément dans les quartiers pauvres, où la misère entraîne souvent les jeunes dans cet engrenage destructeur.

Miguel et Davi sont deux petits frères, accueillis à Crianças do Mundo l’un après l’autre à l’âge de 8 ans. Miguel a actuellement 12 ans et Davi 10. Ils viennent d’une famille misérable, habitant tout en haut d’une colline, dans une barraque de 2 pièces où vivent 7 personnes. En plus de la mère et de Miguel et Davi, vivent là un petit frère de 4 ans, une soeur aînée avec un bébé et un oncle alcoolique.

Les trois garçons sont de pères différents et aucun d’eux n’aide leur mère à subvenir aux besoins de leur enfant. La mère n’a pas de travail fixe. Elle travaille chaque année à l’époque de la cueillette du café, mais en dehors de ce travail saisonnier, elle n’a guère de revenus. Elle reçoit l’allocation familiale, mais qui n’est pas très élevée. Nous devons donc aider régulièrement la famille de Miguel et Davi, avec des colis alimentaires, des vêtements, des médicaments parfois... Si nous aidons la famille, c’est surtout pour les enfants, car la mère ne fait guère d’efforts pour chercher un travail. En plus, la maison est toujours très sale et en désordre. Et elle ne s’occupe guère de ses enfants. Depuis plus d’un an maintenant, nous lavons les uniformes de Miguel et Davi ici à Crianças do Mundo, même ceux de l’école, car les garçons arrivaient toujours sans uniformes ou avec des uniformes bien sales, car leur mère ne les lavait pas.

Les fins de semaine ou pendant les congés et les vacances, Miguel et Davi sont toujours dans la rue. Leur soeur aînée s’occupe heureusement de leur petit frère de 4 ans. Leur quartier est très pauvre et la violence y est presque quotidienne. Les trafiquants de drogue y circulent armés et la population ferme les yeux et les oreilles sur tout ce qui s’y passe. Lorsqu’un assassinat y est commis, personne n’a jamais rien vu ni entendu. C’est la loi du silence, par peur de représailles. Et on les comprend !

Savoir nos enfants dans la rue de tels quartiers nous inquiète toujours, mais que faire ? La seule chose que nous puissions faire, c’est leur parler, encore et toujours. Insister pour qu’ils ne restent pas en rue et ne se laissent pas entraîner par ces trafiquants de drogue, à leur servir d’ « aviãozinho ». Cela signifie litéralement « petit avion », et c’est le nom qui est donné aux enfants qui portent de la drogue d’un point à l’autre, envoyés par les trafiquants, qui pour ce faire leur donnent un peu d’argent. C’est une manière aisée d’attirer tous ces pauvres gosses qui n’ont rien.

Miguel et Davi ont deux frères jumeaux de 19 ans. L’un des deux vit avec la soeur de Matheus ... vous vous souvenez de notre petit Matheus ? Nous y revoilà hélas. Matheus qui lui aussi a un frère plus vieux, de 21 ans. Depuis quelques mois, les trois frères aînés sont en prison, pour trafic de drogue ! Nos trois petits sont tristes que leurs frères soient en prison, mais c’est une occasion pour nous de leur parler et de leur montrer quel est l’avenir des trafiquants de drogue. Miguel, déjà un peu plus grand, en est bien conscient. Lors d'une conversation que j’avais avec les trois, à propos des trafiquants et de leur destin, Miguel m’a dit que les deux seules sorties pour les trafiquants, c’étaient la prison ou la mort. Et c’est exactement ça que nous disons et répétons aussi souvent que nécessaire à tous nos enfants. 

La semaine dernière, la mère de Matheus m’a prévenue que son fils allait manquer une journée à Crianças do Mundo, car elle allait visiter son autre fils en prison et elle voulait que Matheus l’accompagne. Ma première réaction a été de lui dire que la prison n’est pas un endroit pour un enfant de 10 ans. Mais réfléchissant bien, j’ai autorisé l’absence de Matheus. Je me suis dit que ce genre de visite peut provoquer une sorte d’électrochoque chez Matheus et lui éviter de suivre le même chemin que son frère. Les prisons au Brésil sont des endroits absolument inhumains, violents, sales et surpeuplés. Le lendemain, Matheus est revenu. J’ai parlé un peu avec lui et je lui ai dit que j’espérais de tout mon coeur qu’il ne finirait jamais comme son frère. Il m’a dit que la prison n’est vraiment pas gaie et il me l’a promis ; je croise les doigts...

C’est peut-être une coïncidence, mais depuis que ses deux frères jumeaux sont en prison, Miguel a changé. Il a toujours été un enfant gentil, mais turbulent et faisant beaucoup de bêtises. Je devais de temps en temps le prendre à part pour lui parler et parfois le punir d’une façon ou d’une autre. Il manquait aussi régulièrement l’école, tout comme Davi, leur mère ne les éveillant pas pour s’y rendre. J’ai donné un réveil à Miguel et depuis, ça va beaucoup mieux. Il se lève seul et réveille son petit frère Davi. Il y a quelques temps, il est venu près de moi et il m’a dit, me regardant droit dans les yeux :   « Tu n’auras plus à te plaindre de moi, je vais être plus tranquille et je ne ferai plus de bêtises, c’est promis ». J’ai été vraiment touchée en voyant sa sincérité et sa détermination . Il m’a boulerversée et  je l’ai embrassé très fort en lui redisant combien je l’aimais, et que je croyais vraiment en lui. Et Miguel a réellement changé ! C’est comme s’il avait mûri en une fois.

Miguel, Davi et Matheus sont tellement livrés à eux-mêmes et en danger, que nous allons tout faire pour les garder avec nous le plus longtemps possible, afin de les protéger de tous les dangers qui les entourent dans leurs quartiers de vie. Normalement, les enfants quittent Crianças do Mundo à 14 ans. Mais dans certains cas, nous devons faire une exception, sachant que si nous suivons le règlement à la lettre, nous mettons des enfants en danger. Notre rôle est de sauver des enfants des dangers de la rue, pas de les y remettre. Si les risques sont trop grands, nous gardons ces enfants, déjà adolescents, avec nous autant que possible. Et nous expliquons aux autres enfants les raisons de cet exception. Cela peut sembler étonnant, mais les enfants le comprennent. Il nous reste donc heureusement quelques années pour préparer Miguel, Davi et Matheus à une vie digne et heureuse. Pour leur faire acquérir suffisamment de maturité et de sens des responsabilités, afin qu’il n’entrent jamais dans la délinquance et ne finissent jamais comme leurs frères ... en prison.

                                                                                                                           Evelyne


BON ANNIVERSAIRE À NOUS TOUS !

 En ce mois d’avril 2023, nous avons pu fêter les 36 ans d’existence de Crianças do Mundo ! 36 ans que nous travaillons tous ensemble, en Belgique et au Brésil, avec l’objectif d’apporter le bonheur à des centaines d’enfants défavorisés. 36 ans de beaucoup de joies et de réussites, et aussi bien sûr de quelques échecs. Mais tellement rares que nous savons combien notre travail avec les enfants vaut la peine. Alors n’hésitez pas à continuer à nous aider à sauver ces enfants. Ils le méritent !


Bravo à toute notre merveilleuse équipe pédagogique !



Merci du fond du coeur à tous pour votre soutien fidèle et généreux !






MERCI DE TOUT COEUR LEANDRO !

Après mon séjour en Belgique, mon retour ici au Brésil s’est très bien passé. Comme à chaque fois, les retrouvailles avec tous, enfants petits et grands, ainsi que toute l’équipe, ont été très chaleureuses. Que d’embrassades serrées et affectueuses ! J’ai reçu aussi des tas de petits mots gentils des enfants, c’était très touchant.

Une chose m’a aussi terriblement émue : un poème écrit par notre Leandro dont je vous ai parlé dans la revue précédente. Il en a fait un grand panneau et celui-ci a été placé à l’entrée du réfectoire, là au centre d’Activités des enfants. Quand je suis arrivée là le pemier jour et que j’ai vu et lu son poème, j’en ai eu les larmes aux yeux. Dans son poème, il parle de Michel et c’est ce qui m’a le plus touchée. Sans le citer, tous ont compris et c’est ça qui est beau. On peut ressentir toute la sensibilité et les émotions de Leandro dans sa poésie et c’est merveilleux.

Je vais vous la traduire, même si en français bien sûr, le texte ne rimera pas. Mais ses paroles sont tellement touchantes, que je voulais les partager avec vous.


CRIANÇAS DO MUNDO

Un endroit où on pensait

seulement à jouer

Et aussi à se pendre aux lianes

Les enfants criant sans cesse

Et les adultes tout près

à les surveiller.


Il serait très heureux de voir

Comment elle va, avance

Conquérant tout et réussissant.


Avec l’appui de l’équipe

Suivant et respectant les horaires

Il se réjouirait

De voir  combien elle se dédie.


 

UNE PAGE SE TOURNE

 Depuis la création de notre Centre d’Activités en 1996, après la fermeture de nos ateliers de formation professionnelle, nous avions à Crianças do Mundo notre propre petite boulangerie. Notre boulanger s’appelait Edson et il faisait partie des jeunes qui se sont formés chez nous dans notre atelier de boulangerie, entre 1992 et 1996. Il avait 16 ans à l’époque. Nous l’avions donc engagé chez nous et il fabriquait tous les jours  pour nos enfants tous les pains et les petits goûters : biscuits variés, petits gâteaux... Les enfants adoraient bien entendu et savaient combien ils étaient privilégiés.

En ce début de mois de juillet 2023, c’est le coeur lourd que j’ai dû prendre la décision de fermer définitivement notre boulangerie. Les difficultés financières, dues à la crise actuelle où tout a augmenté de façon incontrôlée, nous ont forcé à prendre cette décision. Surtout que nous avons reçu une proposition qu’il était impossible de refuser. 

Notre fils aîné, Rogério, qui possède et gère actuellement trois boulangeries, et qui est le vice-président de Crianças do Mundo, a décidé de nous offrir tous les pains et les goûters gratuitement ! Rogério veut participer à l’effort que nous faisons pour réduire les coûts à Crianças do Mundo, sachant combien la Belgique nous aide au maximum et que nous ne pouvons exiger davantage de tous les gens généreux qui nous soutiennent depuis tant d’années. C’est aussi sa façon à lui de rétribuer tout ce que Crianças do Mundo lui a donné. Il est très conscient que c’est grâce aux 15 années passées chez nous qu’il a pu construire une vie digne pour lui et sa famille, et il en est profondément reconnaissant.

Et notre gentil boulanger Edson n’aura aucun problème de retrouver un travail, car on pleure après des boulangers. Il a très bien compris notre situation et notre décision, même s’il était triste de quitter Crianças do Mundo où il a passé une grande partie de sa vie. Mais il sait qu’il est le bienvenu quand il le veut.