lundi 21 juin 2021

Solidarité

Depuis mars 2020, début de la pandémie au Brésil, toutes nos activités à Crianças do Mundo ont été mises au ralenti. Du 20 mars jusqu’à la fin de l’année 2020, nous n’avons plus pu accueillir nos enfants. En ce début d’année 2021, le 21 janvier exactement, nous avons enfin eu le grand bonheur de pouvoir à nouveau ouvrir nos portes  à nos enfants,  qui  n’attendaient  que ça depuis  près d’un an. Le 1er avril jusque fin avril, nous avons à nouveau été obligés d’interrompre notre accueil, mais depuis la fin du mois d’avril, nos activités ont pu reprendre et cette fois, nous espérons que ce sera définitif, bien que la pandémie soit loin d’être finie. Les activités avec les enfants se déroulent remarquablement bien, dans une excellente ambiance. Nous sentons que cette année 2020 sans pouvoir les accueillir a terriblement marqué nos enfants et ils ont ressenti un grand manque de leurs amis et de tout ce qu’ils reçoivent à Crianças do Mundo. 


Comme énormément de gens de par le monde, je n’ai plus pu exercer ma profession à cause de cette pandémie. Mon travail à Crianças do Mundo, en tant qu’assistante sociale, consiste d’une part à visiter les familles de nos enfants. Cela permet de faire le lien entre elles et notre équipe, et ainsi mieux comprendre les conditions de vie de nos enfants et ce qu’ils vivent au quotidien, leurs difficultés et leurs besoins. Nous pouvons ainsi intervenir de différentes façons, afin de leur apporter notre aide. D’autre part, je me rends à chaque bimestre dans les différentes écoles publiques fréquentées par nos enfants, afin d’y rencontrer tous leurs professeurs et institutrices. C’est important de connaître leur comportement et leur participation à l’école, afin de pouvoir les aider dans leurs difficultés d’apprentissage.

La pandémie a mis fin, provisoirement du moins, à ce travail d’accompagnement. Les écoles publiques ont dû fermer leurs portes en mars 2020 et beaucoup d’entre elles n’ont pas encore réouvert depuis. Cela fait donc un an et demi que beaucoup d’enfants ne vont plus à l’école. Une étude récente montre qu’au Brésil, cette longue interruption dans l’enseignement public a provoqué un retard   d’apprentissage qui demandera 10 ans pour être récupéré . Terrible constatation, mais hélas réelle. Les écoles étant fermées, je ne peux donc plus faire l’accompagnement scolaire de nos enfants. Quant aux visites aux familles, ce ne serait pas prudent de les réaliser vu les risques dûs au Covid. Michel étant malade, son imunité est bien faible et je risquerais d’attraper ce terrible virus et de le lui passer, ce qui  lui serait fatal. Bref, malgré ma frustration de ne pas pouvoir exercer ma profession que j’aime, je ronge mon frein attendant une amélioration de la situation. Le travail à Crianças do Mundo ne manque jamais, et  j’ai heureusement de quoi m’occuper. Mais j’attends avec impatience le temps où je pourrai reprendre mes visites des familles et des écoles.

Au cours de ce mois d’avril, j’ai cependant fait une exception et je suis allée rendre visite à une famille, à deux en vérité. J’ai bien entendu pris toutes les précautions de sécurité nécessaires. C´était un cas un peu spécial qui demandait une visite rapide. Lorsque nous avons ouvert nos portes fin janvier de cette année, nous avons accepté l’inscription de quelques petits nouveaux. Un jour de février, deux mamans arrivent ensemble à Crianças do Mundo, chacune avec leur petit garçon de 8 ans, Nicolas et Miguel, dans l’espoir de voir leur enfant entrer chez nous. La maman de Nicolas, Erika, est enceinte. Les deux mamans sont amies depuis de longues années. Michel reçoit les deux enfants pour l’entrevue d’inscription, l’un après l’autre, et vu la situation familiale, il décide de les accueillir dès le lendemain. Certains commentaires des mamans nous font comprendre que les choses sont bien difficiles pour ces deux familles.

Nicolas et Miguel entrent donc à Crianças do Mundo vers la mi-février de cette année 2021. Très vite, ils s’intègrent dans le groupe et ils ne posent pas de problèmes à notre équipe. Contrairement à beaucoup d’enfants que nous accueillons, agités et parfois bien difficiles, à qui il faut enseigner la base de l’éducation, Nicolas et Miguel sont des enfants gentils et bien élevés. Ils sont aussi bien participatifs aux activités sportives et autres, et sont réceptifs à l’étude. Malgré tout, nous sentons que les choses à la maison ne sont pas faciles. Et nous apprenons par les enfants qu’ils vivent maintenant ensemble dans la même maison. La maman de Miguel, Leila, entre en contact avec nous, demandant si nous ne pourrions pas l’aider avec un colis alimentaire, car elle n’a plus gand chose à la maison, et elle doit aider aussi Nicolas et sa maman Erika. Je lui propose d’aller lui rendre visite en apportant le colis alimentaire et elle accepte avec reconnaissance. Je me rends donc chez elle afin de savoir ce qui se passe exactement dans la famille.

En arrivant, je rencontre les deux mamans, Leila et Erika. Nous nous asseyons pour bavarder un peu. Nous parlons de choses et d’autres, afin d’instaler un climat de confiance et peu à peu, Leila commence à m’expliquer la situation. Elle vit seule avec son fils Miguel, le père ayant abandonné la famille. Il n’aide en rien et prend rarement contact avec son fils. Quant à Erika, elle vit la même situation que Leila. Son mari vivait encore avec eux il y a quelques mois, mais maintenant qu’Erika est enceinte de son deuxième enfant, il est parti de la maison. Suite à la pandémie et aux difficultés économiques qui en ont découlé, Leila et Erika ont toutes deux perdu leur travail. Leila vendait des assurances-maladie et Erika travaillait dans un petit restaurant qui a fermé ses portes. 

Malgré ses propres difficultés, voyant la situation d’Erika se dégrader, en plus d’être sur le point d’accoucher,  Leila propose à Erika de venir vivre chez elle avec son petit garçon Nicolas. Son grand coeur a parlé plus fort que ses problèmes personnels, et elle n’hésite pas à accueillir son amie. Mais ne sachant pas trop comment vivre les jours à venir, elle fait appel à nous pour l’aider à pouvoir nourrir sa famille et celle d’Erika. Elle n’a heureusement pas de loyer à payer, vivant dans la maison de sa grand-mère qui l’a élevée et qui lui a laissé la maison à son décès. C’est une petite maison toute simple, mais décente. Depuis qu’elle a perdu son travail, Leila prépare chez elle quotidiennement des repas qu’elle vend pour gagner un peu d’argent, et ça lui permet de payer ses factures d’eau et d’électricité. Pour le reste, elle n’a guère de revenus et doit se débrouiller pour l’alimentation. Comprenant mieux la situation de ces deux petites familles, il me semble évident que nous devrons être présents pour les aider. Surtout que dans environ un mois, un petit garçon va venir compléter la famille d’Erika et que celui-ci demandera tous les soins nécessaires à un bébé. Nous avons d’ailleurs déjà commencé autour de nous une campagne pour récolter des langes et tout l’indispensable pour élever un bébé. Nous serons là

également pour qu’il ne leur manque rien pour ce nouveau petit être venu au monde pendant une période si difficile.

Ce geste d’accueil de Leila envers Erika nous a beaucoup touchés. Cette terrible pandémie mondiale a amené énormément de souffrances, sanitaires, sociales, économiques, humaines tout simplement. Et il faudra probablement des années pour que les pays et leurs populations surmontent les difficultés amenées par ce virus. Mais la pandémie a aussi provoqué une énorme solidarité de par le monde.

Au Brésil, la pandémie a fait retomber dans la misère profonde des milliers de familles. Autour de 12 millions de familles ont faim, tous les jours, et n’ont plus de quoi fournir le nécessaire minimum à leurs enfants. Nous voyons quotidiennement des reportages poignants, montrant des familles ne mangeant plus qu’une fois par jour, quand elles y parviennent; des mères laissant leur part de nourriture à leurs enfants pour que ceux-ci ne souffrent pas de la faim; des centaines de familles mises dehors de chez elles parce qu’elles ne parviennent plus à payer leur loyer et se retrouvant dans la rue avec femmes et enfants, dormant sous des ponts, des plastiques ou des toiles. Nous nous sentons tellement impuissants devant de tels drames. Heureusement, d’autres reportages montrent des mouvements de solidarité et de générosité incroyables et touchants. Et ce sont souvent les plus démunis qui se mobilisent pour aider ceux qui sont encore plus pauvres qu’eux. Distributions de repas, de colis alimentaires, de lait, de vêtements ... tout ceci réalisé par des bénévoles qui se dévouent sans compter, souvent après leur journée de travail, pour permettre à tous ces gens de survivre  un jour de plus. 

Cette solidarité réchauffe le coeur et permet de continuer à croire en l’être humain, capable du pire, mais heureusement aussi du meilleur. C’est dans les moments les plus douloureux vécus par l’humanité que naissent les gestes de générosité, de gentillesse, d’amitié, de fraternité et de solidarité. Une solidarité qui aide les personnes en souffrance à se remettre debout et à trouver la force et le courage de continuer à lutter. Une solidarité démontrée par Leila envers Erika et son petit garçon, qui leur redonne espoir en une vie meilleure. L’espoir pour Nicolas que son petit frère naîtra dans un monde plus humain. Nous

pouvons, nous aussi, être des instruments de solidarité et d’espérance. Ne perdons pas l’opportunité!

Evelyne


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