Vinicius est un enfant martyr. Il n’a que 9 ans, mais sa courte vie est marquée par les coups et le manque d’amour. Petit, élevé par une mère perturbée et un père violent, il est rejeté et se fait battre fréquemment. Sa mère finit par disparaître, abandonnant Vinicius entre les mains d’un père qui n’en veut pas. Ils vont alors vivre chez la grand-mère paternelle de Vinicius, Maria.
Les nombreux enfants de celle-ci ont pour la plupart posé des problèmes, abandonné leurs enfants et Maria a déjà élevé plusieurs petits-fils. Elle a actuellement près de 70 ans, est complètement usée, mais continue d’élever ses petits-enfants comme elle le peut. La vie pénible qu’elle a vécue l’a endurcie et elle ne parvient pas à offrir de l’affection à ses petits-enfants. Elle a déjà perdu un fils, assassiné il y a quelques années, et l’an dernier, un petit-fils de 20 ans, tombé dans la drogue, a lui aussi été assassiné. Et Vinicius vit au milieu de tout ça, dans une baraque misérable, au bord d’un ruisseau, véritable égout à ciel ouvert, dans une famille où tout le monde le frappe pour tout et pour rien. Il arrive souvent chez nous avec des marques de coups sur son petit corps maigre et fragile. Il raconte parfois son calvaire, les coups qui pleuvent, les cris, les punitions souvent injustes. Son père le frappe souvent, mais aussi sa grand-mère ainsi qu’un oncle qui vit parfois avec eux. Lors d’une de mes visites à l’école de Vinicius, la directrice m’a raconté combien elle avait été choquée un jour, à cause d’une scène à laquelle elle a assisté. Maria est arrivée à la sortie de l’école, et devant tout le monde, enfants et professeurs, sans motif apparent, elle a violemment giflé Vinicius à plusieurs reprises.
L’enfant s’est effondré lentement, tétanisé et sanglotant. La directrice a dit à la grand-mère que ce n’était pas une façon d’agir avec son petit-fils, mais elle a répondu qu’elle était nerveuse et avait perdu le contrôle, sans plus d’explications. Lors de nos réunions de parents à Crianças do Mundo, nous abordons toujours le thème de la violence, sujet hélas de plus en plus récurrent. En conversation particulière, Michel a déjà expliqué à plusieurs reprises à Maria que la violence que subit Vinicius à la maison, entre les mains de tous les adultes qui l’entourent, ne peut amener que la destruction de l’enfant et qu’il en est profondément perturbé. Ils n’ont pas le droit de maltraiter de la sorte ce pauvre gosse. Il ne faudra pas s’étonner si Vinicius devient lui-même violent.
La grand-mère n’a pas reconnu la maltraitance. Elle a répondu qu’elle ne le frappait pas, qu’elle le “corrigeait” seulement, par exemple en le laissant pendant des heures à genoux dans le noir... En quel siècle vivons-nous?... Le raisonnement et les arguments n’ont hélas pas de résultats et Vinicius continue à recevoir des coups.
Un soir, en ce début du mois de novembre, Vinicius est en rue avec son père. Une moto s’approche d’eux et l’homme assis sur cette moto sort une arme et tire 3 balles sur le père de Vinicius, devant l’enfant. Le père s’écroule, grièvement blessé. Vinicius reste paralysé, profondément choqué. Très vite, des gens interviennent et les secours arrivent. Mais Vinicius reste sous le choc. Son père ne l’aime pas, le maltraite, mais c’est son père, et le voir ainsi baignant dans son sang est terriblement traumatisant pour le pauvre enfant. Il ne va pas à l’école le lendemain, mais vient tout de même à Crianças do Mundo. C’est son refuge, le seul endroit où il se sent bien, où il se sent aimé et compris. Il a besoin plus que jamais d’affection et d’être entouré. Il raconte ce qui s’est passé et tout le monde est là pour le soutenir et lui montrer qu’il n’est pas seul. A ce jour, son père a survécu à ses blessures, mais est toujours hospitalisé.
Mais depuis cette horrible événement, Vinicius fait des cauchemars...
A l’école, Vinicius ne va pas très bien. Lors de ma première visite de l’année à son école, à la mi-mars, pour m’informer sur plusieurs de nos enfants, la directrice me parle de Vinicius, des problèmes familiaux sérieux qu’il a, de ses grosses difficultés scolaires et des problèmes énormes qu’il donne à l’école. Elle me demande si ce serait possible d’accueillir Vinicius à Crianças do Mundo, ça ne pourrait que l’aider. Après en avoir discuté avec Michel, nous décidons de l’accueillir et 10 jours plus tard, il est parmi nous. Je retourne entretemps à l’école pour rencontrer son institutrice et en savoir un peu plus sur lui. Elle me dit qu’elle a de gros problèmes avec Vinicius. Il n’a aucune discipline; il ne reste pas en place en classe, circule sans arrêt ou sort de la classe à tout moment. Il ne fait rien pendant les cours, n’a aucune concentration et malgré qu’il soit en 3ème année, il ne sait ni lire ni écrire. Elle demande notre aide, car elle ne sait vraiment plus que faire avec lui. Nous allons essayer de travailler ensemble pour aider Vinicius à apprendre et à évoluer. Pendant toute cette année scolaire 2014, Vinicius évolue très lentement.
Lors de mes premières visites à l’école après son accueil chez nous, il n’y a aucune évolution chez lui; son institutrice me répète les mêmes choses à son égard. Mais vers le mois de septembre, 6 mois après son arrivée, il y a enfin un petit changement dans son comportement. Il est un peu plus calme et parvient à rester assis à son banc pendant au moins une partie des cours. L’aide particulière de notre professeur à Crianças do Mundo commence à porter ses fruits et Vinicius est alphabétisé petit à petit. C’est un grand espoir pour nous; nous entrevoyons enfin la capacité de Vinicius d’évoluer positivement à tous niveaux, malgré tout ce qu’il vit en famille.
L’année scolaire se termine au Brésil. Bientôt, ce seront les grandes vacances d´été pour les enfants et ils resteront en famille pendant un mois, notre équipe pédagogique méritant et ayant besoin de ce mois de repos. Nous savons ce que cela représente pour Vinicius : un mois de souffrance et de violence, sans son refuge préféré à Crianças do Mundo. Nous en sommes conscients et cela nous fait mal. Tant pour Vinicius que pour d’autres de nos enfants, nous savons que ce mois de janvier sera dur pour eux, mais nous n’avons pas le choix. Nous nous sentons bien impuissants, mais ces enfants ont leurs familles, quelles qu’elles soient et ils doivent y vivre. Mais dès la rentrée, nous serons là à nouveau pour Vinicius et pour tous nos enfants. Ils retrouveront le bonheur d’être aimés, ils retrouveront l’affection et la joie de vivre. Et Vinicius retrouvera son refuge et son havre de paix.
Il y a beaucoup de petits Vinicius dans le monde, nous ne pouvons hélas pas tous les sauver. Mais tant que nous le pourrons, nous aiderons notre Vinicius et tous ceux que nous accueillons à découvrir l’amour, la tendresse et la compréhension. Ensemble avec vous, nous continuerons à offrir un peu de bonheur à tous ces enfants mal aimés. Et qui sait, nous changerons le cours de leur vie et nous leur offrirons un avenir plus prometteur et plus heureux.
Evelyne
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