vendredi 3 octobre 2025

Nouvelles du 3ème trimestre 2025

Bonjour,

Les vacances d’été sont terminées en Belgique et vous voilà tous à nouveau au travail. J’espère qu’elles vous ont permis de récupérer vos énergies pour une nouvelle année. Ici chez nous, les enfants ont eu deux semaines de vacances d’hiver fin juillet et nous avons commencé le second semestre en ce début août.

Certains enfants étant sortis durant le premier semestre, pour différents motifs, j’ai pu faire quelques inscriptions en ce début août. Et j’ai pu constater combien la situation évolue rapidement. Je vous en reparlerai à l’occasion.

Beaucoup de choses positives se sont produites ces derniers mois, et d’autres moins bonnes, mais la vie est ainsi faite et il faut faire face à tous les obstacles du mieux que nous le pouvons.

De plus en plus d’enfants vivent des situations très pénibles. Avant, c’était la pauvreté matérielle qui frappait les familles. Actuellement, c’est hélas une pauvreté générale, matérielle mais aussi spirituelle, morale, une disparition des valeurs essentielles qui rendent la vie en société agréable et qui sans elle, la rendent très difficile.

Nous essayons donc d’enseigner à nos enfants ces valeurs morales primordiales pour une vie en commun sans heurts ni confrontations. 

Notre monde est déjà tellement préoccupant. Essayons au moins d’inculquer aux enfants que le dialogue et la bonne entente, le pardon et l’amitié sont les meilleurs moyens d’être heureux, d’avoir des amitiés fortes et durables et de trouver le vrai bonheur, en famille et avec tous ceux qui vivent autour d’eux. La violence n’est jamais une solution.

Je vous souhaite à tous un excellent dernier trimestre 2025. La fin d’année sera encore vite là. Profitons au maximum de chaque jour qui se présente à nous et rendons-le profitable à nous mais aussi à tous autour de nous. Je vous embrasse.

                                                                                                                   Evelyne

             


          Evelyne et Michel

           van der Meersch

La douleur des enfants..

 Elle s’appelait Myriam ... elle avait 32 ans.

Nous sommes fin juin. Une jeune femme, Fernanda, se présente chez nous à la grille d’entrée et demande à me parler. Je ne la connais pas, mais je la fais entrer et je la reçois au bureau. Elle se présente et me dit qu’elle aurait vraiment besoin de notre aide. Et elle me raconte l’histoire d’une famille dont la maman s’appelle Myriam. Fernanda connaît bien la situation, car cela fait quelques mois qu’elle aide cette famille du mieux qu’elle peut.

Myriam a 4 enfants : Isabelly de 16 ans, Ezequiel de 10 ans, Ruth de 8 ans et Isaque de 4 ans. Il n’y a pas de pères présents. Pendant plusieurs années, Myriam se bat contre un cancer. Malheureusement, en février de cette année, le cancer s’étant généralisé, Myriam décède à l’âge de 32 ans. Les pauvres enfants se retrouvent seuls, orphelins de leur maman et abandonnés par leurs pères respectifs.


Myriam est issue d’une famille pauvre de 8 enfants, 7 filles et un garçon. Aucune des soeurs de Myriam ne veut s’occuper des enfants ; elles veulent qu’ils soient remis au juge de la jeunesse pour être adoptés... Le seul frère, Daniel, avec sa jeune épouse Juliana, ne sont pas d’accords. Ils ne veulent pas que les enfants soient séparés. Ils promettent à Myriam qu’ils s’occuperont de ses enfants s’il lui arrivait quelque chose. Avant son décès, déjà bien affaiblie et sachant que sa fin était proche, Myriam a enregistré une petite vidéo poignante où elle déclare confier ses enfants à son frère et sa belle-soeur. Comme ce doit être dur pour une maman de se dire qu’elle va partir et laisser ses enfants ! Mais heureusement que Daniel et Juliana lui ont apporté cette paix d’esprit.

Daniel et Juliana forment un jeune couple de 35 et 33 ans, très pauvre et habitant le bidon-ville du São Domingos, à 10 minutes de chez nous. Ils ont eux-mêmes deux  enfants, une petite fille de 3 ans et un bébé de 11 mois. Ils vivent dans une barraque misérable de deux pièces. 


La famille de Daniel et Juliana va passer de 4 à 8 personnes ! Comment vivre à huit dans ce logement misérable ?!


Heureusement, Fernanda est l’épouse d’un commerçant en matériel de construction dans notre ville de Coronel Fabriciano. Ensemble, ils lancent une campagne pour récolter des fonds afin d’aider cette famille qui en a tant besoin. Ils déclenchent un véritable élan de solidarité et finalement, la générosité des gens et de ce couple de commerçants permet, non pas de réformer cette pauvre barraque, mais de l’abattre tout simplement et de reconstruire une petite maison digne de ce nom. Certains donnent un peu d’argent, d’autres de leur temps en aidant pour les travaux les fins de semaine. 

En attendant que la maison soit prête à les recevoir, la famille de Daniel vit dans un logement social au loyer modéré. C’est là que je décide d’aller leur rendre visite pour mieux connaître la situation. Fernanda m’a demandé si ce serait possible que j’accueille Ezequiel et Ruth qui ont l’âge requis pour entrer à Crianças do Mundo. Ce serait déjà une grande aide pour Daniel et Juliana. Je souhaite les rencontrer pour faire leur connaissance et voir si les enfants souhaiteraient venir chez nous.

Je me rends donc un après-midi chez Daniel et Juliana. J’ai fixé un jour avec eux où tous les enfants seront présents. Je passe près de deux heures avec eux tous. Daniel et Juliana forment un jeune couple adorable, d’une grande douceur et gentillesse. Ils sont très simples et d’une humilité touchante. Ils me racontent leur histoire, celle de Myriam et de ses enfants. Ils me disent être étonnés et tellements reconnaissants de toute cette formidable générosité des gens autour d’eux. Je leur réponds que leur geste d’amour incommensurable, accueillant leurs quatre neveux et nièces, est tellement formidable qu’il a touché beaucoup de gens et qu’ils méritent largement ce soutien. Ils sont absolument admirables et il existe peu de personnes qui feraient de même.

Je parle un peu avec Ezequiel et Ruth et je leur demande s’ils aimeraient venir à Crianças do Mundo. Tous les deux me répondent que oui. Ils ont des amis et amies à l’école qui sont à Crianças do Mundo et qui disent que c’est chouette là-bas. Juliana me dit que le petit dernier de 4 ans, Isaque, pleure beaucoup et réclame sans cesse sa maman. Pendant que nous bavardons, Ruth se promène avec son petit cousin dans les bras. Elle n’a que 8 ans et c’est touchant de voir sa gentillesse et son affection pour lui, alors qu’elle souffre beaucoup de l’absence de sa maman qui lui manque tellement.

Après ce long moment passé avec eux tous, je propose à Daniel et Juliana d’accueillir Ezequiel et Ruth dès le lendemain. Ils en sont très heureux et me remercient chaleureusement, ajoutant que ce sera très bon pour les enfants et une grande aide pour eux également. Je leur promets que nous serons à leurs côtés pour les aider autant que nous le pourrons. 

Cela fait maintenant 3 mois qu’Ezequiel et Ruth sont parmi nous. Ils se sont bien adaptés et intégrés au milieu des autres enfants. Certains jours, leur peine est visible et la tristesse dans leur regard nous bouleverse, mais toute l’équipe est là pour les soutenir et leur donner beaucoup d’amour. J’ai expliqué leur situation aux autres enfants, leur demandant leur aide en étant accueillants et gentils avec Ezequiel et Ruth. Et la plupart le sont, sincèrement. Petit à petit, Ezequiel et Ruth retrouvent le sourire. Personne ne pourra jamais remplacer leur maman. Mais l’amour qu’ils reçoivent de leur oncle et de leur tante, ainsi que de tous ici chez nous les aidera certainement à surmonter leur peine et à retrouver doucement le bonheur. Nous y veillerons ! 


Bonne chance, Lorenzo et Lívia !

Dans notre petite revue du mois d’avril, je vous ai raconté l’histoire du petit Lorenzo. Et je vous avais dit que je comptais accueillir une de ses deux soeurs, Lívia, l’aînée ayant déjà 13 ans et ne pouvant donc plus entrer à Crianças do Mundo.

Lívia a été accueillie chez nous le 26 mars. Depuis que son petit frère Lorenzo venait à Crianças do Mundo, elle demandait tous les jours à sa grand-mère quand elle pourrait y venir aussi. Elle l’a tellement suppliée que celle-ci m’a demandé si nous ne pourrions pas l’accepter également. Comme elle allait avoir 10 ans au mois de mai, il fallait la prendre au plus vite avant qu’il ne soit trop tard, puisque l’âge d’accueil est entre 7 et 9 ans. J’ai donc accepté de l’accueillir tout de suite.

Lívia est une petite fille adorable. Elle aussi est toute menue et ne fait pas son âge. J’ai dû lui acheter des bermudas 6 ans, ceux de 8 ans que j’avais étant trop grands. Moins timide que Lorenzo, elle s’est très vite adaptée chez nous et parmi nos autres filles.

Mais voilà que le destin a décidé de nous enlever ces deux petits gosses adorables, qui étaient pourtant si heureux chez nous. Leur soeur de 13 ans a compliqué la situation de toute la famille. Elle a fait une fugue et est restée disparue pendant trois jours. La grand-mère, très inquiète, a appelé la police qui a fait appel au Conseil Tutélaire. Le père des enfants, qui ne s’en était jamais occupé jusqu’à présent, a été appelé également pour une réunion avec le Conseil Tutélaire. Lors de cette réunion, à laquelle a participé notre assistant social Vanderci, la grand-mère a exprimé son désir de ne plus s’occuper des enfants, qu’elle n‘était pas bien et avait besoin de se soigner. Lorsque le responsable du Conseil Tutélaire a demandé au père ce qu’il pensait faire, et devant la possibilité d’envoyer les enfants devant le juge des enfants pour une éventuelle adoption, le père a finalement décidé d’emmener ses trois enfants avec lui à Vitória, dans l’état voisin d’Espírito Santo, où il vit avec sa nouvelle femme.

J’ai été très triste lorsque je l’ai appris, car j’aime beaucoup Lorenzo et Lívia et je voyais combien ils étaient heureux chez nous. Nous n’avons même pas pu leur dire au-revoir, car le père est reparti directement avec eux. Je me fais aussi du souci pour eux, sans savoir ce qu’ils deviennent maintenant, s’ils sont heureux et bien traités par leur père et leur belle-mère. Mais le destin en a décidé ainsi et il faut l’accepter. Nous ne pouvons que croiser les doigts, pour que Lorenzo et Lívia aient un avenir heureux et qu’ils reçoivent chez leur père tout l’amour et l’affection dont ils ont tant besoin.


Une formidable réussite !

Certains d’entre vous se souviennent peut-être de Marco Antônio. J’ai raconté son histoire dans notre petite revue il y a quelque temps. Ce petit garçon est arrivé chez nous à l’âge de 8 ans. Issu d’une famille pauvre de 4 enfants, Marco Antônio et trois soeurs, son enfance a été bien difficile. Un père alcoolique qui battait sa mère régulièrement et même parfois ses enfants. Une mère soumise et dépressive qui ne défendait guère sa progéniture. 


Marco Antônio a entendu parler de Crianças do Mundo par d’autres enfants de son école et il a demandé à mère de venir l’y inscrire, ce qu’elle a heureusement fait. 

Dès le départ, Marco Antônio est un gentil gosse, bien élevé malgré sa situation familiale compliquée. Il est tranquille, obéissant et se montre très responsable malgré son jeune âge. Il évolue très bien en grandissant, à tel point que Michel le prend sous son aile lorsqu’il a 14 ans et le prépare à le remplacer dans le futur. Il seconde Michel dans ses activités et aide notre professeur d’éducation physique dans les activités sportives des enfants.  Lorsque Michel nous quitte en 2021, Marco Antônio a 19 ans et il prend la relève de Michel auprès des enfants aux douches, dans le bus et à la piscine. Il est depuis ses 16 ans engagé officiellement à Crianças do Mundo. 

En 2019, Marco Antônio entreprend des études de droit à l’université. Il travaille chez nous la journée, de 7h à 17h et se rend à l’université le soir de 18h30 à 22h30. Les jeunes qui souhaitent un bon avenir au Brésil sont souvent très courageux ; beaucoup d’entre eux doivent travailler pour payer leurs études et ils ont des journées très chargées. Marco Antônio reçoit heureusement l’aide de la Paroisse St Pierre à Genval pour ses études à l’université. Il fait ses quatre premières années de droit avec d’excellents résultats. En 2023, il a une belle opportunité d’aller faire un an d’études en Irlande. Il en revient en 2024 trilingue. Il a non seulement appris l’anglais, mais également l’espagnol, car il logeait avec des étudiants venus d’Espagne et d’autres pays d’Amérique Latine, et ils parlaient beaucoup l’espagnol entre eux. Il entame alors sa 5ème et dernière année de droit.

Et le samedi 9 août vient la récompense : c’est la remise des diplômes pour Marco Antônio ! Je me rends bien entendu à cette « formatura » sur invitation de Marco Antônio. Je le sens tellement heureux ! Qu’est-ce que je suis fière de lui ! Et Michel le serait certainement aussi, lui qui avait tout misé sur Marco Antônio ! C’est une formidable réussite pour lui et il le mérite, car il s’est investi à fond dans ses études et a toujours eu de brillants résultats. 

Marco Antônio a maintenant 23 ans et le voilà prêt pour la vie. La réussite de nos enfants est notre récompense, notre moteur pour continuer à accueillir les enfants qui en ont vraiment besoin, afin de les aider à mener leur vie le mieux possible et à sortir de la misère. Marco Antônio, comme des centaines d’autres enfants qui sont passés par Crianças do Mundo, pourra vivre une vie digne et heureuse. Notre objectif est atteint !

Une merveilleuse journée !

Le samedi 30 août 2025 fut une journée super heureuse ! Notre premier petit-fils, Matheus, s’est marié. Matheus est le fils aîné de Rogério et Françoise, qui ont les boulangeries . Il a 25 ans et a rencontré Isabelle il y a 4 ans. Tous deux étudient à Belo Horizonte, la capitale de notre état de Minas Gerais, à l’Université Fédérale. Ils font tous les deux les études d’ingénieur électricien et se formeront en décembre de cette année.


Au mois d’avril, ils sont venus m’annoncer leur mariage et m’ont demandé d’être marraine. J’ai bien sûr accepté et leur ai dit que ce serait un honneur pour moi. Quelques jours plus tard, Matheus m’a envoyé un message si plein d’amour que j’en ai eu les larmes aux yeux. En résumé, il m’y disait qu’il était très reconnaissant envers Michel et moi pour tout ce que nous avions fait pour son père. Que c’est grâce à nous si son père avait réussi sa vie et était sorti de la pauvreté et de l’abandon. Et que si lui, Matheus, était là où il était maintenant, c’était grâce à nous, ses grands-parents. Que les valeurs que nous avions inculquées à son père, il les lui avait passées et qu’il ne les oublierait jamais. Il les inculquerait de la même façon à ses enfants plus tard.

Ce message si émouvant m’a fait vraiment chaud au coeur. Quelle récompense pour nous de voir la seconde génération qui s’en sort aussi bien que la première que nous avons élevée. Et quelle stimulation pour continuer notre travail auprès des enfants !

Le mariage fut merveilleux. L’organisation parfaite, l’ambiance très conviviale, la cérémonie très belle et la fête super animée ! Tous nos grands fils les plus proches, « frères »  de Rogério, étaient présents et on pouvait ressentir tout l’amour qu’il y a entre eux. Ils s’entendent tous à merveille. Mon seul regret, l’absence de Michel... Qu’est-ce qu’il aurait été heureux et fier d’assister à ce mariage de son petit-fils ! 

Le ciel fut aussi avec nous. Cela faisait 6 mois que nous attendions la pluie avec impatience, et rien. Mais ne voilà-t-il pas que la samedi 30 août au matin, il pleuvait ! Je me suis dit : « Non, pourquoi justement aujourd’hui ! » Toute la cérémonie devait avoir lieu à l’extérieur. Mais petit à petit, le ciel s’est dégagé et à midi, le soleil est revenu. Au moment du mariage, à 16h30, il y avait un magnifique ciel bleu ! Tout fut donc parfait, la chance souriait déjà aux jeunes mariés.

Nous ne pouvons que leur souhaiter beaucoup de bonheur. Tous les deux sont des jeunes gens très courageux et volontaires. Ils travaillent la journée, déjà comme ingénieur chez Fiat à Belo Horizonte, et ils étudient le soir à l’université. Dans quelques mois, ils seront diplômés et commenceront vraiment leur vie professionnelle. Quelle fierté pour Rogério et Françoise ! Une magnifique réussite qui nous rend tous très heureux et encouragés à poursuivre notre lutte quotidienne, afin d’aider les enfants abandonnés, maltraités, malheureux à trouver eux aussi le bonheur qu’ils méritent tant. 

Bonne chance Matheus et Isabelle !


mercredi 9 juillet 2025

Nouvelles du 2ème trimestre 2025

Bonjour,

Nous voilà déjà à la moitié de l’année 2025 et pour vous tous, amis de Belgique, c’est le début des grandes vacances d’été.

Ici au Brésil, vous savez que les grandes vacances ont lieu en décembre et janvier, période d’été dans l’hémisphère sud. Mais les écoles ferment tout de même leurs portes pendant la seconde quinzaine de juillet, pour deux semaines de vacances d’hiver.

Durant le second trimestre de cette année 2025, tout s’est bien passé chez nous à Crianças do Mundo. Les enfants évoluent bien, malgré quelques cas d’enfants très perturbés et difficiles. Nous faisons tous de notre mieux pour qu’ils se sentent bien accueillis et qu’ils s’intègrent petit à petit dans le groupe.

Quelques événements importants ont eu lieu pendant ce second  trimestre,  comme les 38 ans de Crianças do Mundo le 25 avril et la représentation de la Passion par les enfants, devant leurs familles et d’autres invités, quelques jours avant Pâques.

Le Brésil va souffrir d’une saison sèche très longue et pénible cette année, car la saison des pluies ne fut pas bonne, en tout cas dans diverses régions du pays comme la nôtre. Même pas un mois de pluies en tout sur les 5 mois prévus, de novembre à mars. Toujours les conséquences de ce terrible changement climatique.

Je vous souhaite à tous d’excellentes vacances ! Après une année de beaucoup de travail et de soucis, vous méritez ce repos et le plus de détente possible. Profitez-en au maximum ! Et encore mille mercis à vous tous pour votre soutien fidèle et généreux. Grâce à vous, nos enfants sont heureux et ça n’a pas de prix !

             
    Evelyne et Michel
       van der Meersch







Bonne chance Thauann!

Beaucoup d’entre vous doivent se souvenir de l’histoire que j’ai racontée dans la revue du 1er octobre 2024. C’était l’histoire de Thauann, un enfant élevé par sa grand-mère et qui avait de gros problèmes de comportement. Sa mère est partie et son père, dans la drogue et la criminalité, ne s’occupe pratiquement pas de son fils. Thauann nous avait quittés fin 2023, mais je continuais à l’accompagner  de temps en temps à la maison et à l’aider autant que je le pouvais.

Dans le courant de ce même mois d’octobre, la campagne politique bat son plein dans le Brésil tout entier, pour les élections des maires et des conseillers communaux. Les meetings se succèdent dans notre ville, ensemble avec toutes les manifestations et défilés dans les rues. Les candidats, comme toujours, ne se font pas de cadeaux.

La population adore ces rassemblements et lors d’un meeting qui a lieu sur une place au centre-ville, notre Thauann est là, au milieu d’une foule très dense. Il a par hasard retrouvé son père et il se trouve à ses côtés. Les discours se suivent et se ressemblent. Soudain, un bruit sec et des cris. Un homme vient de tirer deux balles sur le père de Thauann, au milieu de tous ces gens et en plein jour. Il s’enfuit ensuite sans être inquiété. Il sait que, comme toujours, personne n’aura rien vu ni rien entendu ...  Le père de Thauann vient d’être abattu devant son gamin. Une ambulance est appelée et emmène le père de Thauann, pendant que le pauvre gosse reste là, tremblant de tous ses membres. Le choc et la peur l’empêchent de bouger. Heureusement, quelqu’un intervient et réagit pour aider l’enfant lorsqu’il le voit paralysé par la peur. Il le ramène chez sa grand-mère qui découvre alors ce qui s’est passé. Elle plante là Thauann pour aller à l’hôpital voir ce qu’il en est de son fils. Finalement, celui-ci s’en sort bien, les balles l’ont atteint au bras et il n’y a pas trop de dégâts. 

Le père de Thauann passe quelques temps à l’hôpital, puis il est libéré. Au lieu de rentrer chez lui, il vient s’installer chez sa mère. Thauann ne dit rien, mais après quelques jours, il prend une décision assez incroyable, surtout à 12 ans. Il se rend seul au Conseil Tutélaire (Service Social Municipal qui aide les enfants en difficultés). L’un des conseillers, Waldecy, accompagne la famille de Thauann depuis un certain temps, connaissant les difficultés qui y règnent. Nous avions d’ailleurs des contacts réguliers avec lui. Thauann demande à parler à Waldecy et il lui  raconte tout ce qui s’est passé les derniers temps. Il demande à être placé dans un foyer, ne voulant plus retourner chez sa grand-mère. Maintenant que son père s’y est installé, Thauann a peur que l’assassin y revienne pour « achever le service ». Il ne veut pas être là si ça arrive. Le pauvre gosse est vraiment traumatisé par ce qui s’est passé sous ses yeux.

Waldecy prend la situation de Thauann en mains et lui trouve un foyer où rester pendant quelques jours. Pendant ce temps-là, il se met à la recherche de la mère de Thauann.  Elle s’appelle Thaïs. La grand-mère a toujours dit que celle-ci avait abandonné son fils et n’avait plus jamais voulu le voir. Mais malgré tout, Waldecy va tout faire pour entrer en contact avec elle.

Il va donc trouver la grand-mère de Thauann et après beaucoup d’insistance de Waldecy, elle lui donne enfin l’adresse et le numéro de téléphone de la mère de Thauann. Il prend contact avec elle et lui explique la situation. Le dialogue qui s’en suit entre eux deux est absolument incroyable et surprenant. Waldecy pensait que Thaïs se débarrasserait vite de lui, qu’elle n’aurait pas du tout envie de parler de Thauann. Ceci vu tout ce que la grand-mère avait dit sur elle et son abandon. Mais au contraire, Waldecy est surpris en entendant Thaïs éclater en sanglots. Lorsqu’elle parvient à parler, elle dit à Waldecy que ça fait des années qu’elle n’a plus pu parler à son gamin,  la grand-mère ne le lui permettant pas. Elle souhaiterait tellement revoir son fils ! Mais son ex-mari et sa belle-mère ont toujours tout fait pour l’empêcher d’avoir un contact avec Thauann. 

Thaïs raconte sa version des faits à Waldecy. Lorsque les parents de Thauann se sont séparés, elle a décidé de partir à São Paulo d’où elle est originaire et où elle a de la famille ; elle y trouverait aussi plus facilement du travail. Elle voulait emmener Thauann avec elle, mais le père et la grand-mère s’y sont fermement opposés. Elle est partie seule, dans l’espoir de trouver assez rapidement du travail et de pouvoir revenir chercher Thauann par la suite. Mais lorsque ce fut le cas, elle s’est heurtée à la même opposition de son ex-mari et de la grand-mère. Elle est venue plusieurs fois de São Paulo, mais elle n’est jamais parvenue à emmener Thauann avec elle.  Elle a fini par créer une autre famille, et a un autre fils de 9 ans. Thauann a donc un frère qu’il ne connaît même pas. Thaïs est vraiment très triste de la situation. Alors lorsque Waldecy lui demande si elle serait d’accord d’accueillir Thauann chez elle maintenant, elle ne peut retenir sa joie et accepte tout de suite. Waldecy s’engage à lui amener Thauann très bientôt.

Il est difficile de savoir ce qui s’est réellement passé. Mais je sais que lors de chaque visite que je faisais chez la grand-mère de Thauann, je n’ai jamais senti chez elle d’amour pour Thauann. Elle me parlait plus souvent d’elle, de ses problèmes financiers ou de santé, que de son petit-fils. Elle ne s’en occupait guère et Thauann passait sa vie en rue jusqu’à toutes les heures de la nuit, mendiant aux feux rouges ou chapardant. Il arrivait souvent chez nous avec son uniforme tout sale et on lui faisait prendre un bain et mettre un propre uniforme. Il avait faim lorsqu’il arrivait le matin et était d’ailleurs très maigre. Il ne mangeait manifestement pas à sa faim chez sa grand-mère. Je me suis souvent dit que si elle tenait tellement à garder Thauann chez elle, c’était pour bénéficier des allocations familiales. Mais je ne pouvais hélas rien faire à ce niveau-là. Ce qui est profondément triste, c’est qu’elle a fait croire toute sa vie à Thauann que sa mère l’avait abandonné et qu’elle ne voulait plus en entendre parler. Lorsqu’elle venait de São Paulo pour essayer de récuperer Thauann, il était à l’école et il n’a jamais su que sa mère venait le chercher. Sa grand-mère ne le lui a jamais dit. Ce pauvre gosse a grandi dans le mensonge, le manque d’amour, et la fausse idée de l’abandon de sa mère.

Heureusement, il a maintenant découvert la vérité, grâce au courage qu’il a eu de quitter sa grand-mère et son père. Waldecy est parti à São Paulo avec Thauann dès le lendemain de sa conversation avec la mère de celui-ci. Il a été accueilli à bras ouvert par sa mère en pleurs et par son petit frère, tout heureux de connaître enfin Thauann. 

Waldecy me donne régulièrement de ses nouvelles, car je tiens à savoir comment il va, comment il évolue. Il a commencé dans sa nouvelle école où tout se passe bien. Il est manifestement heureux et il s’entend très bien avec son petit frère.

Thauann aura 13 ans en juillet. Son enfance aura été bien pénible. Mais j’espère de tout mon coeur qu’à partir de maintenant, il trouvera vraiment le bonheur auprès de sa maman qui l’aime et de son petit frère qui l’a tout de suite adopté. Il le mérite plus que tout !