vendredi 29 septembre 2023

LE TERRIBLE FLÉAU DE LA DROGUE

Le monde entier est désormais envahi par la drogue. Beaucoup de pays luttent contre ce fléau et régulièrement, nous voyons aux nouvelles qu’ont eu lieu de grosses appréhensions de toutes sortes de drogues. Cette lutte contre le trafic est très bien, mais elle ne résoud hélas pas le problème. Car celui-ci est devenu tellement important qu’il semble ne jamais avoir de fin. Je suis les actualités belges et je sais combien ce problème touche la Belgique également, principalement dans la région anversoise.

Ici au Brésil, inutile de vous dire que la drogue est omniprésente, dans tout le pays. Et malheureusement, elle circule énormément dans les quartiers pauvres, où la misère entraîne souvent les jeunes dans cet engrenage destructeur.

Miguel et Davi sont deux petits frères, accueillis à Crianças do Mundo l’un après l’autre à l’âge de 8 ans. Miguel a actuellement 12 ans et Davi 10. Ils viennent d’une famille misérable, habitant tout en haut d’une colline, dans une barraque de 2 pièces où vivent 7 personnes. En plus de la mère et de Miguel et Davi, vivent là un petit frère de 4 ans, une soeur aînée avec un bébé et un oncle alcoolique.

Les trois garçons sont de pères différents et aucun d’eux n’aide leur mère à subvenir aux besoins de leur enfant. La mère n’a pas de travail fixe. Elle travaille chaque année à l’époque de la cueillette du café, mais en dehors de ce travail saisonnier, elle n’a guère de revenus. Elle reçoit l’allocation familiale, mais qui n’est pas très élevée. Nous devons donc aider régulièrement la famille de Miguel et Davi, avec des colis alimentaires, des vêtements, des médicaments parfois... Si nous aidons la famille, c’est surtout pour les enfants, car la mère ne fait guère d’efforts pour chercher un travail. En plus, la maison est toujours très sale et en désordre. Et elle ne s’occupe guère de ses enfants. Depuis plus d’un an maintenant, nous lavons les uniformes de Miguel et Davi ici à Crianças do Mundo, même ceux de l’école, car les garçons arrivaient toujours sans uniformes ou avec des uniformes bien sales, car leur mère ne les lavait pas.

Les fins de semaine ou pendant les congés et les vacances, Miguel et Davi sont toujours dans la rue. Leur soeur aînée s’occupe heureusement de leur petit frère de 4 ans. Leur quartier est très pauvre et la violence y est presque quotidienne. Les trafiquants de drogue y circulent armés et la population ferme les yeux et les oreilles sur tout ce qui s’y passe. Lorsqu’un assassinat y est commis, personne n’a jamais rien vu ni entendu. C’est la loi du silence, par peur de représailles. Et on les comprend !

Savoir nos enfants dans la rue de tels quartiers nous inquiète toujours, mais que faire ? La seule chose que nous puissions faire, c’est leur parler, encore et toujours. Insister pour qu’ils ne restent pas en rue et ne se laissent pas entraîner par ces trafiquants de drogue, à leur servir d’ « aviãozinho ». Cela signifie litéralement « petit avion », et c’est le nom qui est donné aux enfants qui portent de la drogue d’un point à l’autre, envoyés par les trafiquants, qui pour ce faire leur donnent un peu d’argent. C’est une manière aisée d’attirer tous ces pauvres gosses qui n’ont rien.

Miguel et Davi ont deux frères jumeaux de 19 ans. L’un des deux vit avec la soeur de Matheus ... vous vous souvenez de notre petit Matheus ? Nous y revoilà hélas. Matheus qui lui aussi a un frère plus vieux, de 21 ans. Depuis quelques mois, les trois frères aînés sont en prison, pour trafic de drogue ! Nos trois petits sont tristes que leurs frères soient en prison, mais c’est une occasion pour nous de leur parler et de leur montrer quel est l’avenir des trafiquants de drogue. Miguel, déjà un peu plus grand, en est bien conscient. Lors d'une conversation que j’avais avec les trois, à propos des trafiquants et de leur destin, Miguel m’a dit que les deux seules sorties pour les trafiquants, c’étaient la prison ou la mort. Et c’est exactement ça que nous disons et répétons aussi souvent que nécessaire à tous nos enfants. 

La semaine dernière, la mère de Matheus m’a prévenue que son fils allait manquer une journée à Crianças do Mundo, car elle allait visiter son autre fils en prison et elle voulait que Matheus l’accompagne. Ma première réaction a été de lui dire que la prison n’est pas un endroit pour un enfant de 10 ans. Mais réfléchissant bien, j’ai autorisé l’absence de Matheus. Je me suis dit que ce genre de visite peut provoquer une sorte d’électrochoque chez Matheus et lui éviter de suivre le même chemin que son frère. Les prisons au Brésil sont des endroits absolument inhumains, violents, sales et surpeuplés. Le lendemain, Matheus est revenu. J’ai parlé un peu avec lui et je lui ai dit que j’espérais de tout mon coeur qu’il ne finirait jamais comme son frère. Il m’a dit que la prison n’est vraiment pas gaie et il me l’a promis ; je croise les doigts...

C’est peut-être une coïncidence, mais depuis que ses deux frères jumeaux sont en prison, Miguel a changé. Il a toujours été un enfant gentil, mais turbulent et faisant beaucoup de bêtises. Je devais de temps en temps le prendre à part pour lui parler et parfois le punir d’une façon ou d’une autre. Il manquait aussi régulièrement l’école, tout comme Davi, leur mère ne les éveillant pas pour s’y rendre. J’ai donné un réveil à Miguel et depuis, ça va beaucoup mieux. Il se lève seul et réveille son petit frère Davi. Il y a quelques temps, il est venu près de moi et il m’a dit, me regardant droit dans les yeux :   « Tu n’auras plus à te plaindre de moi, je vais être plus tranquille et je ne ferai plus de bêtises, c’est promis ». J’ai été vraiment touchée en voyant sa sincérité et sa détermination . Il m’a boulerversée et  je l’ai embrassé très fort en lui redisant combien je l’aimais, et que je croyais vraiment en lui. Et Miguel a réellement changé ! C’est comme s’il avait mûri en une fois.

Miguel, Davi et Matheus sont tellement livrés à eux-mêmes et en danger, que nous allons tout faire pour les garder avec nous le plus longtemps possible, afin de les protéger de tous les dangers qui les entourent dans leurs quartiers de vie. Normalement, les enfants quittent Crianças do Mundo à 14 ans. Mais dans certains cas, nous devons faire une exception, sachant que si nous suivons le règlement à la lettre, nous mettons des enfants en danger. Notre rôle est de sauver des enfants des dangers de la rue, pas de les y remettre. Si les risques sont trop grands, nous gardons ces enfants, déjà adolescents, avec nous autant que possible. Et nous expliquons aux autres enfants les raisons de cet exception. Cela peut sembler étonnant, mais les enfants le comprennent. Il nous reste donc heureusement quelques années pour préparer Miguel, Davi et Matheus à une vie digne et heureuse. Pour leur faire acquérir suffisamment de maturité et de sens des responsabilités, afin qu’il n’entrent jamais dans la délinquance et ne finissent jamais comme leurs frères ... en prison.

                                                                                                                           Evelyne


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