mardi 17 janvier 2012

Education: réprouvée !


Avant tout, nous voulons vous faire partager un article paru dans la revue "Veja" du 14 septembre, écrit par Lya Luft, célèbre écrivain et journaliste brésilienne. C'est assez édifiant et nous y retrouvons toute notre préoccupation quant à l'éducation et l'enseignement au Brésil. Voici cet article:
Certains disent que je suis trop optimiste. D'autres que je suis pessimiste. Peut-être suis-je simplement une observatrice de ce pays. Une journaliste aux thèmes répétés, ah oui, ceux qui me préoccupent particulièrement. Une des plus grandes préoccupations de n'importe quel être pensant par ici est l'éducation.
On en parle beaucoup, on crie, on écrit, théories et réclamations se succèdent. De l'action? Très peu dont je m'aperçoive. Les maux se sont accumulés de telle façon qu'il est difficile de réorganiser le chaos.
Il y a une trentaine d'années sont apparues les premières providences négatives, et le "apprendre en jouant" est devenu à la mode. Pas d'efforts, les punitions interdites, les récompenses ont perdu leur sens. Récemment, on m'a dit que dans beaucoup d'écoles, on ne peut plus parler de "réprobation, réprouvé", car cela peut traumatiser un élève, le marquer défavorablement. Alors, pourquoi étudier, pourquoi lutter, pourquoi tenter?
De toutes les façons, nous facilitons la vie des étudiants, les laissant chaque fois moins préparés à la vie et au marché du travail. Les entreprises réclament de la difficulté de rencontrer de la main d'œuvre qualifiée, médecins et avocats ne savent plus écrire, les étudiants universitaires ont des problèmes pour articuler la pensée, pour argumenter, pour écrire ce qu'ils pensent. Ils sont, d'une certaine façon, analphabètes. D'ailleurs, l'analphabétisme dévaste ce pays. Une personne alphabétisée n'est pas celle qui sait signer de son nom, mais celle qui sait signer sous un texte qu'elle a lu et compris. Par conséquent, le pourcentage de gens alphabétisés est incroyablement bas.
Nous avons pu lire récemment un rapport alarmant. La moitié des enfants brésiliens en troisième année primaire ne sait ni lire ni écrire. Elle ne comprend pas à quoi sert la ponctuation dans un texte. Elle ne sait pas lire les heures et les minutes sur une horloge. Elle ne sait pas que centimètres est une mesure de longueur. Près de la moitié des élèves avancés écrit mal, lit mal, quasi 60% ont de graves difficultés avec les chiffres. Un grand contingent de jeunes arrive à l'université sans savoir rédiger un texte simple, car ils ne savent pas penser, encore moins s'exprimer par écrit. Paraphrasant un spécialiste, nous sommes en train de produire des étudiants analphabètes.
Nettoyer la misère, désir louable de notre présidente, est essentiel pour notre dignité. Nettoyer l'ignorance – qui est une autre forme de misère – exigerait une position privilégiée de l'éducation dans le budget de l'Etat. Il n'y a pas d'argent, disent-ils. Mais les politiciens augmentent leurs salaires de manière scandaleuse, la chose publique dépense on ne sait où, pendant que nous préparons des générations d'ignorants, élevés sans limites, de qui rien n'est exigé et qui doivent apprendre en jouant. On ne leur impose plus la discipline la plus élémentaire, comme si nous ne savions pas qu'école, famille, la vie surtout, se construisent en partie d'erreurs , de réussites et d'efforts. Mais, si nous ne pouvons pas réprouver les élèves, si nousn'avons pas les structures nécessaires d'une bonne école, comment exiger application, efforts, discipline et limites, pour la croissance naturelle de chacun? Je me suis lassée de paroles grandiloquentes sur l'éducation, pendant que rien ne se fait. Nous sommes fatigués, usés, sans illusion de toutes ces paroles. Nous avons besoin d'actes et de faits, de budgets où l'éducation et la santé (pour pouvoir aller à l'école, être attentifs, étudier, produire et croître) aient un poids considérable : sinon, il n'y aura pas de solution.
L'éducation brésilienne continuera, comme maintenant, scandaleusement réprouvée.
Lya Luft

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