Beaucoup d’entre vous ont certainement déjà entendu parler du moustique Aedes Aegypti, plus connu en Belgique sous le nom de moustique-tigre.
D’une taille un peu plus grande que le moustique commun, et avec des lignes zébrées sur le dos, il provient d’Afrique, mais il est actuellement présent presque dans le monde entier, spécialement dans les régions tropicales et sub-tropicales. Près de 35% de la population mondiale vivent dans des régions propices et endémiques pour la prolifération du moustique.
Pour se reproduire et pondre leurs oeufs, les femelles n’ont besoin que de petites quantités d’eau, propres ou sales. Ce moustique est considéré un vecteur de transmission de maladies graves comme la fièvre jaune, la dengue, la zica et le chikungunya. La responsabilité est hélas de toute la population, qui jette des déchets de tous côtés où s’accumule l’eau de pluie.
Tout le Brésil est très affecté cette année par le moustique-tigre, mais encore plus particulièrement notre état de Minas Gerais. Et notre région du Vale do Aço est touchée par une terrible épidémie depuis la fin 2023. En ce début du mois de mars, le Brésil vient de dépasser le million de cas de dengue, avec hélas déjà 214 décès.
La fièvre chikungunya est une maladie virale transmise donc par le moustique-tigre. Les premiers cas ont été recensés dans les années 1952-1953 en Tanzanie, dans l’est de l’Afrique, où a eu lieu la première épidémie. Le nom « chikungunya » signifie en swahili, un des idiômes de Tanzanie, « ceux qui se courbent », car les douleurs sont telles qu’on ne parvient presque plus à marcher et que le corps est tout courbé. Les principales articulations touchées sont les pieds et les orteils, les chevilles, les mains et les doigts, ainsi que les poignets. En plus de la douleur, toutes ces régions du corps gonflent très fort. La maladie peut atteindre également le système disgestif, avec des vômissements et des diarrhées. Et elle peut provoquer des taches rouges sur le corps. Au bout de quelques jours, une grande fatigue s’installe.
Les cas de dengue et de chikungunya sont très nombreux dans notre région, plusieurs milliers, et nous n’avons pas été épargnés à Crianças do Mundo. Depuis décembre 2023, plus de la moitié des membres de notre équipe a été touchée, essentiellement par le chikungunya. Nous sommes maintenant en mars, et les cas continuent d’apparaître. Cela complique beaucoup notre travail, car les absences se multiplient. Pendant deux semaines, la cuisinière principale du Centre d’Activités a été absente. Il a fallu y remédier. Heureusement, une de nos femmes de ménage cuisine très bien et elle a accepté de travailler à la cuisine pendant ces deux semaines. Son travail d’entretien a été laissé un peu de côté ; il était plus important de nourrir nos enfants que de nettoyer.
La moitié de nos professeurs a été atteinte également. A chaque fois, il faut réorganiser le travail avec les enfants, reformer des goupes différents, pour que tous reçoivent l’aide nécessaire à l’étude. Tout ça n’est pas simple, surtout que nous ne voyons pas encore le bout du tunnel ; l’épidémie est loin d’être enrayée et il semblerait même que nous n’ayons pas encore atteint le pic des maladies.
Je peux vous assurer que l’absence des membres de notre équipe atteints par le chikungunya est entièrement justifiée. Je peux en parler en connaissance de cause, car j’ai malheureusement été moi-même attteinte par cette terrible maladie. Je pensais y échapper, j’avais tenu bon les deux premiers mois de l’épidémie, mais hélas ce ne fut pas le cas.
Les symptômes sont apparus le samedi 17 février. D’abord un mal-être général, comme un début de grippe. Ensuite un mal de tête assez violent et de la fièvre élevée, ainsi que des douleurs musculaires. Mais le pire était encore à venir ... les douleurs articulaires. Le chikungunya est une maladie qui attaque toutes les articulations du corps, provoquant leur inflammation. Le lendemain, le dimanche matin, j’ai bien pensé ne pas parvenir à me lever. J’avais entendu le témoignage de plusieurs personnes qui ont été atteintes par le chikungunya, dont notre cuisinière, et toutes disaient qu’elles n’avaient plus pu sortir de leur lit pendant une semaine. Je les comprenais. Au moment de poser les pieds hors du lit, avec déjà beaucoup de difficultés, la douleur a été telle que j’ai pensé ne jamais arriver à me lever. Mais j’ai fait l’effort tout de même et je suis parvenue, en marchant comme une « petite vieille », toute courbée en effet et avançant à tout petits pas traînants, à aller jusqu’au fauteuil de notre petit salon. Et là, je suis restée ... Repos complet obligatoire.
Le lundi, tous les enfants et notre équipe sont revenus, et j’ai prévenu que je ne pourrais pas faire mon travail pendant quelques temps, que j’avais attrapé le chikungunya. Une fois de plus, l’équipe a été formidable et a réorganisé le travail pour me remplacer là où c’était indispensable.
J’ai été, comme toujours, super bien entourée par tous. La maladie ôte en plus tout appétit et même toute envie de manger quoi que ce soit, tellement on a un goût amer en bouche. Tout ce qu’on avale est horrible, salé ou sucré. Il faut donc faire de gros efforts pour avaler la moindre nourriture. Alors notre adorable cuisinière, qui s’occupe des repas de nos petites filles ici à la maison, a tout fait pour que j’avale au moins de petites choses, sucrées pour la plupart car c’est ce que je préfère. Petites crèmes de maïs, gélatine sucrée, salades de fruits, jus de fruits naturels ... elle apparaissait à tout moment pour m’apporter quelque chose et essayer de me faire manger. Ça m’a beaucoup touchée et je faisais des efforts pour manger un peu, pour lui faire plaisir.
On m’a aussi apporté grand nombre de boissons hydratantes et énergétiques. Le chikungunya déshydrate aussi beaucoup et il est impératif de s’hydrater au maximum. Je faisais de gros efforts, moi qui n’ai jamais soif !
J’ai passé toute la première semaine dans le fauteuil, incapable de faire quoi que ce soit. Me lever ne fut-ce que pour aller à la toilette était très douloureux. La douche en fin de journée était un supplice. Je comprenais ce que m’avaient raconté les personnes qui avaient été atteintes. Ce n’était pas exagéré.
Par deux fois en cette première semaine, on a dû m’emmener à l’hôpital pour que je sois mise sous perfusion avec des anti-douleurs et pour me réhydrater. Le pire avec cette maladie, c’est qu’il n’existe pas de traitement. Il faut supporter le mieux possible et attendre que ça passe. On doit juste prendre de l’anti-pyrétique et des anti-douleurs mais qui ne sont pas très efficaces.
Nous sommes aujourd’hui le 11 mars. Trois semaines se sont donc écoulées depuis le début de ma maladie. Je remarche bien sûr, même si c’est lentement et parfois en boîtant un peu, car les douleurs articulaires sont toujours là, moins fortes heureusement. Je n’ai pas encore pu reprendre mon travail normalement auprès des enfants. J’espère pouvoir m’y remettre bientôt.
Ce qui est grave avec le chikungunya, c’est qu’il peut laisser des séquelles, articulaires surtout, pendant de longs mois, même des années, et parfois à vie, car la maladie devient chronique. Je ne peux qu’espérer ne pas faire partie de ce groupe et retrouver toute ma vitalité. Beaucoup de personnes qui l’ont eu me disent que leur état dépend des jours, même s’ils l’ont eu il y a 2-3 mois. Certains jours, ils se lèvent bien, d’autres jours ils se lèvent avec des douleurs dans les jambes, les chevilles et les pieds, ainsi que les mains. C’est ce que je vis actuellement.
Je vais donc devoir m’adapter. Les jours meilleurs, je ferai mon travail le mieux possible. Les jours douloureux, je ralentirai un peu le rythme. En espérant un jour pouvoir dire que j’ai vaincu le chikungunya !
Je vous disais au début de cette petite revue que celle-ci serait un peu différente cette fois. En fait, les douleurs aux doigts et aux mains ne me permettent pas d’écrire longtemps sur le clavier de l’ordinateur. C’est douloureux au bout d’un temps et je dois m’interrompre. Pour vous écrire cet article sur le chikunguya, cela m’a pris une douzaine de jours, écrivant paragraphe après paragraphe avec de nombreuses interruptions. Je ne serai donc pas à même de vous écrire toute une petite revue comme d’habitude. Le temps et la capacité me manqueront.
La suite de ce petit bulletin sera donc consacrée essentiellement à des photos, par lesquelles je vous ferai participer à la vie de nos enfants à Crianças do Mundo.
J’espère que vous me comprendrez et me pardonnerez. Et j’espère surtout que pour la prochaine petite revue, je serai en meilleure forme et que je pourrai reprendre mes narrations sur tout ce qui se passe chez nous à Crianças do Mundo.
Pardon d’avoir parlé de moi cette fois. Je devais vous expliquer les raisons de cette petite revue différente. Et je voulais aussi vous raconter ce que vivent beaucoup de brésiliens en ce moment.
Merci de tout coeur pour votre compréhension . . .
Merci de tout coeur pour votre soutien . . .
Merci de tout coeur pour votre confiance . . .
Continuons, tous ensemble, à nous battre pour les enfants !
Evelyne
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