mardi 22 décembre 2020

C’EST PAS LA FÊTE !...

Vendredi 20 mars 2020 ... vendredi 20 novembre 2020. Huit mois ... huit mois séparent ces deux dates. Au moment où j’écris cet article, ces huit mois représentent le temps qui nous sépare également de nos enfants. Depuis ce triste jour du 20 mars où nous avons dû annoncer aux enfants que Crianças do Mundo devait fermer ses portes, provisoirement, l’épidémie du Covid 19 est devenue pandémie mondiale et elle a paralysé le monde comme aucun autre événement ne l’avait jamais fait auparavant. Une paralysie qui est devenue un drame sanitaire, social, économique ... un drame humain pour des milliers de gens qui ont tout perdu, la vie surtout et la survie pour beaucoup.

Pour nous tous ici à Crianças do Mundo, enfants et adultes, c’est une période très difficile également. Les adultes font face, sans trop de problèmes si ce n’est le profond manque des enfants. Toute notre équipe continue son travail, qu’il soit éducatif, ouvrier, ménager ou administratif. Chaque membre de notre équipe pédagogique fait de son mieux pour être utile, et la préparation des cahiers d’exercices que nous distribuons aux enfants tous les mercredis après-midi prend beaucoup de temps. Nous devons aussi préparer des dizaines de colis alimentaires car quasi tous les parents ont perdu leur boulot et n’ont plus assez d’argent pour que la famille puisse manger, malgré l’aide de l’Eat !

Chaque mercredi à 12h45, nous démarrons, Sidney et moi, pour faire en camionnette le tour de tous les quartiers où habitent nos enfants. Dans cette camionnette, des caisses avec les cahiers de chaque enfant, mais aussi d’autres caisses remplies de délicieux goûters confectionnés avec amour par notre boulanger. Nous emmenons également des caisses avec des tas de bananes ou de cacaos cueillis chez nous, que nous distribuons également aux enfants; ils adorent! Comme ils ne viennent pas chez nous pour les manger, nous les leur portons; ainsi ils en profitent et sinon, tout se perdrait. Sans oublier un grand sac avec bonbons ou chocolats. De quoi leur adoucir un peu leur nouvelle semaine sans Crianças do Mundo. Notre tournée prendra 2h1/2 

Chaque mercredi est semblable, et pourtant si différent. Nous faisons à chaque fois le même trajet, c’est vrai, et nous nous arrêtons aux mêmes points de rencontre où nous retrouvons presque tous nos enfants, comme à chaque fois. Mais cependant, pas un mercredi ne ressemble aux autres. De petits événements en changent le visage.

A chaque point d’arrêt, un enfant attend, ou deux, ou 7 ou 8, parfois une dizaine. Ils sont tout contents de nous voir arriver. Bon, sans doute davantage grâce aux goûters, fruits et bonbons qu’aux cahiers d’exercices ... mais l’essentiel est que la plupart des enfants soit présent et que nous parvenions à maintenir un contact régulier avec eux.

Malheureusement, cette coupure prolongée à cause de ce terrible virus a fait des dégâts et a tout de même provoqué la perte de quelques-uns de nos enfants. Cela fait maintenant 8 mois que les enfants ne vont plus à l’école. Au Brésil, l’année scolaire commence en février et se termine début décembre. Cela veut dire que les enfants n’ont eu que 4-5 semaines de cours en cette année 2020. Cette année scolaire peut être considérée totalement perdue! Dans les écoles privées, des cours se sont donnés on-line. Mais la tentative de ce genre de cours dans les écoles publiques n’a pas marché du tout. La plupart des enfants de ces écoles publiques n’ont pas d’ordinateur chez eux ou n’ont pas accès à internet dans leurs masures au milieu des favelas. Les enfants doivent donc se rendre dans leurs écoles respectives pour aller y chercher des feuilles d’exercices, ce que beaucoup n’ont pas envie de faire bien entendu. Tous ces enfants se retrouvent donc “en vacances” depuis 8 mois maintenant. Ils ont pris l’habitude de ne plus rien faire de leurs journées, sinon traîner dans les rues (le confinement au Brésil ne fonctionne pas du tout ...),  jouer au foot avec leurs copains, ou faire des jeux électroniques à longueur de journées, et même hélas parfois la nuit. Quant au travail et à la stimulation intellectuels, c’est le néant complet. Ces mauvaises habitudes seront terriblement difficiles à corriger. Et certains de nos enfants sont hélas tombés dans cette “paresse intellectuelle”. Les premières semaines, pratiquement aucun enfant ne manquait à l’appel lors de nos rencontres du mercredi. Puis au fil des semaines, l’un ou l’autre a commencé à s’absenter. Nous nous informons toujours auprès des parents lorsqu’un enfant ne vient pas au rendez-vous du mercredi, pour en connaître la cause. Et malheureusement, nous avons déjà perdu trois de nos enfants : Davi et João Victor qui n’avaient plus envie de faire d’exercices, et les parents laissent faire ... Et le plus triste, car sans doute un des plus nécessiteux de notre aide, Ryan, un enfant de 10 ans. Il vit avec ses parents dans des conditions lamentables. Une mère malade mentale et un père alcoolique, qui traînent leurs journées en rue ou dans les bars et ne s’occupent pas du tout de leur fils. Ryan allait bien quand il venait chez nous. Il avait terriblement évolué à tous niveaux et au moins il était à l’abri toute la journée, soit à l’école, soit à Crianças do Mundo. Le voilà complètement livré à lui-même; il a abandonné nos rencontres du mercredi, peut-être par manque de stimulation chez lui, ou tout simplement parce qu’il a perdu la notion du temps, traînant lui-même dans les rues à ne rien faire. C’est du gâchis, et ça donne envie de pleurer. Sans cette pandémie, Ryan n’aurait jamais quitté Crianças do Mundo et aurait eu une grande chance de sortir de cette vie de misère qu’il connaîtra sans doute maintenant, comme ses parents.

D’autres de nos enfants, comme Júlio César et Miguel, manquent régulièrement à l’appel, parce qu’ils doivent travailler avec leur père, tous deux comme aides-maçons ... à 9 et 10 ans! C’est trop triste et injuste, sans compter que c’est contre la loi, mais ça, au Brésil ... Mercredi dernier, Júlio César est quand même venu à notre rendez-vous. Mais il portait des vêtements de travail et des botines, tout sâles de ciment. Il avait juste quitté son père en vitesse pour venir chercher son cahier et probablement surtout son goûter et ses chocolats, car il fait très peu d’exercices et rend son cahier incomplet. Comment pourrait-il faire ses exercices s’il doit travailler toute la journée avec son père?

Quant à notre Vinicius, 11 ans maintenant, vous vous souvenez? Je vous avais raconté son histoire il y a quelques temps. Il vit avec une mère alcoolique et nous l’avons accueilli à Crianças do Mundo il y a deux ans, à la demande de la directrice de son école, parce qu’il avait faim et ne dormait pas la nuit, passant son temps à la recherche de sa mère dans les bars. Lui aussi était heureux comme un roi chez nous et évoluait d’une façon fantastique. Intelligent, il avait complètement changé à l’école et avait toutes les chances d’avoir une autre vie dans l’avenir. Avec cette pandémie et notre impossibilité d’encore accueillir nos enfants, nous avons probablement perdu notre Vinicius. Nous ne trouvons personne chez sa mère et aucun de nos autres enfants de son quartier ne le voit plus. Nous continuons à le rechercher et nous ne désespérons pas de le retrouver, mais nous sommes terriblement inquiets pour lui.

Chaque mercredi est un jour heureux pour nous, car ces petites retrouvailles avec nos enfants, même de quelques minutes, sont un moment de joie réciproque. Toutes les semaines, des tas d’enfants nous demandent quand Crianças do Mundo va réouvrir ses portes. Ils nous disent combien ça leur manque de venir chez nous, qu’ils sont impatients de pouvoir revenir, qu’ils en ont assez de rester chez eux. Je ne peux malheureusement pas leur donner de réponse, je l’ignore moi-même. Pourtant, combien j’aimerais pouvoir leur dire que dans quelques jours, nous les accueillerons à nouveau les bras ouverts! Malheureusement, nous devrons tous être patients, encore et encore. La pandémie est loin d’être finie au Brésil; au contraire, les chiffres repartent à la hausse les dernières semaines. Déjà 180.000 morts au Brésil! Il nous reste l’espoir de l’arrivée effective d’un vaccin. En attendant, nous ne pouvons qu’imaginer les vraies retrouvailles avec nos enfants, ici à Crianças do Mundo. Quel moment de bonheur et de joie ce sera pour tous, petits et grands! Rien que de l’imaginer, notre coeur bat plus vite! Ce sera MERVEILLEUX! 

                                                                              Evelyne

UNE MERVEILLEUSE FÊTE DE NOËL  ET UNE ANNÉE 2021 LA MEILLEURE POSSIBLE !


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