Voilà des années que j’accompagne Mirtes, une habitante de la favela du “Padre Rocha” où se situe la “Maison du Partage”. Très discrète sur son passé, je suis pourtant arrivée à savoir que son enfance fut des plus difficiles. Si toute la famille eut à subir les conséquences d’un père alcoolique extrêmement violent et coureur de jupons, aînée des filles, elle fut aussi la victime de l’inceste durant des années. À 16 ans, elle quitte le foyer familial et commence une vie errante principalement dans les rues de Belo Horizonte, la capitale de Minas Gerais. À 20 ans naît son premier enfant, Mariana. Aucun des deux amants du moment ne voulant assumer la paternité, la vie est encore plus difficile. Il semblerait même que Mirtes ait reporté sur cette petite fille toutes ses désillusions, toute son amertume. Elle ne manifestera jamais pour Mariana la même attention que pour ses autres enfants. Naîtront ensuite deux petites filles de liaisons éphémères elles aussi.
À la mort de son père, Mirtes revient se fixer à Coronel Fabriciano où elle retrouve sa mère qu’elle adore et ses six frères et soeurs. Jolie et coquette, elle ne tardera pas à trouver un compagnon et deux autres petites filles viendront agrandir la famille qui vit dans une masure d’environ 60 m2 : une pièce obscure, toute en longueur et une sorte de véranda couverte servant de cuisine. Jusqu’à ce jour, pas une table, pas une chaise. On mange et regarde la télé assis sur les lits, on fait ses devoirs agenouillés au pied du lit...
Benedito, le compagnon, est un homme calme, doux... mais un alcoolique invétéré : “Sa mère lui mettait de la cachaça, l’alcool local, dans le biberon, pour le faire dormir”, me confiait Mirtes. Retraité suite à un accident ayant laissé des séquelles, il passe ses journées au bar et ne rentre que pour se coucher. Mirtes, elle, fait des ménages quatre ou cinq jours par semaine et les enfants s’élèvent un peu tout seuls, plus dans la rue que dans cette maison qui n’a rien pour les retenir.
Mirtes vient d’avoir 40 ans. Insatisfaite sur le plan affectif, elle finira par prendre un amant, jeune et beau mais ... alcoolique lui aussi. Enceinte, ils partiront chez les parents de ce dernier dans un coin perdu à la campagne. Mirtes a emmené avec elle ses 4 filles ainsi que Gabriela, premier enfant de Mariana dont elle a la garde juridique. Mariana est restée avec son beau-père et Albert, son second enfant.
Pendant quelques mois, nous serons pratiquement sans nouvelles. Naît un petit garçon et un beau jour, Mirtes réapparaît avec toute sa famille, excepté son compagnon. Que s’était-il passé? Mirtes s’est rendue compte que son ami avait séduit la seconde de ses filles alors âgée de 13 ans. Elle décida donc de rompre et de revenir à Coronel Fabriciano. Trop tard déjà, hélas! Albiana était déjà enceinte. Le Conseil de Tutelle pour mineurs fut actionné, mais se montrera peu efficace. L’homme, réputé violent, ne sera jamais appréhendé. Albiana décidera de retourner vivre avec lui et à 17 ans, elle se retrouvera avec 3 enfants. Comme, depuis le premier jour, elle se montre incapable de les élever, deux seront à charge de Mirtes et la petite dernière à celle d’une famille d’accueil.
Le Conseil de Tutelle fait une apparition de temps à autre et menace régulièrement de retirer les enfants à cause de la précarité de l’habitation. Il est vrai que les conditions de logement sont lamentables, l’hygiène précaire... mais que peut faire cette femme?
Elle s’est mariée il y a deux ans, le rêve de sa vie! Jailton est un homme sobre et travailleur. Mais depuis un an, il est venu agrandir la liste des 14 millions de chômeurs du Brésil. L’argent que Mirtes gagne en faisant ses ménages suffit à peine pour l’alimentation, l’eau, l’électricité, les médicaments... La Conférence de St Vincent de Paul a déjà étudié le cas, mais il est vrai que la situation est difficile. La maison est encastrée dans la favela sans le moindre espace pour agrandir. Les murs, régulièrement infiltrés par l’eau de pluie ne supporteraient pas un étage supérieur. Nous essayons actuellement de faire quelques petits aménagements, carreler le sol de terre battue, repeindre les murs intérieurs...
Si le cas de Mirtes est extrême, il n’est malheureusement pas le seul. Le gouvernement actuel, plongé dans des affaires de corruption qui dépassent l’entendement, ne pense qu’à se maintenir au pouvoir coûte que coûte, à promouvoir des lois qui bénéficieront surtout une certaine classe. Comme toujours, le peuple est la victime d’une malhonnêteté qui, comme un cancer, n’a fait que croître depuis des décennies.
Mais ne perdons pas courage. Si la lutte est difficile, l’espoir de jours meilleurs est toujours vif en nous.
Soeur Laurent Marie
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