lundi 27 mars 2017

Pas toujours facile!

Caïque est un petit bonhomme de 8 ans lorsque nous l’accueillons à Crianças do Mundo en juin 2015. Dès les premiers jours, il se montre très difficile. Bagarreur, il affronte les autres enfants malgré sa petite taille. Il semble n’avoir peur de rien ni de personne. Un vrai petit caïd. Le visage toujours fermé et grognon, il ne semble pas capable de sourire. Il passe aussi sa journée à insulter tout le monde. Sa liste de gros mots est sans limites. Vu ce comportement agressif, il a du mal à se faire accepter par les autres enfants et à se faire des amis. Il est même ouvertement rejeté et toute l’équipe doit faire un travail quotidien avec tous pour que l’entente s’améliore et pour essayer d’intégrer Caique.


Vu ce comportement agressif, il a du mal à se faire accepter par les autres enfants et à se faire des amis. Il est même ouvertement rejeté et toute l’équipe doit faire un travail quotidien avec tous pour que l’entente s’améliore et pour essayer d’intégrer Caique.

Mais la situation est tellement difficile et   compliquée, qu’après quelques semaines, nous avons l’impression que nous ne pourrons pas le garder parmi nous. Michel a de très nombreuses conversations avec Caïque, et comme celui-ci semble s’attacher très fort à Michel, il faut en profiter pour créer un lien privilégié et parvenir ainsi à le faire changer d’attitude. Avant de prendre une décision, il faut connaître un peu sa famille, car c’est souvent révélateur.

Je me rends donc dans la famille de Caïque. Ils habitent dans une petite ruelle sombre d’un quartier bien pauvre. J’arrive devant la maison et la porte étant ouverte, j’appelle en frappant dans les mains. Une jeune femme noire apparaît à la porte. Je suis un peu étonnée, car Caïque est blanc, mais il s’agit bien de sa maman. Ce genre de choses n’est pas rare au Brésil vu le grand mélange de races. La maman s’appelle Flaviana. Je me présente et elle me fait entrer.

Nous bavardons un peu de tout et de rien, et ensuite je lui dis que je viens la voir pour connaître un peu la situation de la famille et comprendre ce qui se passe avec Caïque. Je lui explique les difficultés que nous rencontrons avec lui, son agressivité et ses problèmes avec les autres enfants. Flaviana m’explique qu’elle vit seule maintenant avec ses 9 enfants, son mari étant parti vivre avec une autre femme, et que ce n’est pas facile pour elle de les élever. Elle fait ce qu’elle peut, mais ses garçons  sont souvent dans la rue où ils n’apprennent rien de bon. Sans formation et sans travail fixe, elle fait des ménages à droite et à gauche pour subvenir aux besoins de sa famille, et lorsque les enfants sont seuls, ils vont dans la rue. Sa fille aînée a 15 ans et son plus jeune a 2 ans. C’est pourquoi elle est si contente que nous ayons accueilli Caïque à Crianças do Mundo; il a vraiment besoin d’aide et de discipline, car elle craint qu’il ne tourne mal en restant beaucoup dans la rue. Elle sait qu’il n’est pas facile et elle demande notre aide pour sauver Caïque; il est encore jeune et il n’est peut-être pas trop tard.  Je lui promets que nous allons en tout cas essayer d’aider Caïque, mais qu’il va devoir faire de gros efforts, surtout dans sa relation avec les autres.

Quelques jours plus tard, je me rends à l’école de Caïque, une des écoles que je visite depuis de nombreuses années et où je connais très bien la directrice et tous les professeurs. Dès que je prononce le nom de Caïque, c’est un tollé général. J’entends des tas de récriminations à son sujet, de la directrice d’abord, de la coordinatrice et ensuite de son institutrice qui a été appelée aussi. Caïque est insupportable, bagarreur, il tape sur tout le monde, grands ou petits, il insulte tant les enfants que les adultes, n’a de respect pour personne, même pas pour la directrice, ne fait rien en classe sinon le chambard, et perturbe toutes les activités, que ce soit en classe ou dans la cour..., bref j’ai l’impression que Caïque est un vrai petit monstre que plus personne ne supporte. Nous allons essayer de faire un travail spécial avec Caïque et essayer de l’aider à évoluer, mais ça prendra certainement du temps. La tâche va être ardue!

Pendant tout le second semestre de 2015, Caïque continue à donner beaucoup  de problèmes et de travail, mais connaissant sa situation familiale, nous décidons de le garder malgré tout, sachant que sinon, il est perdu. Toute l’équipe prend à cœur de l’aider, de le corriger mais aussi de lui donner de l’affection. L’année 2016 se déroule avec des hauts et des bas. Chez nous à Crianças do Mundo, nous commençons doucement à voir une évolution chez Caïque. Il provoque moins les autres enfants, se bagarre moins et les insultes diminuent. La partie est loin d’être gagnée, mais nous gardons espoir.
Par contre à l’école, Caïque n’a pas évolué du tout. Je suis appelée très régulièrement à l’école, tellement Caïque est difficile et je n’entends que des critiques, jamais une chose positive. L’école menace même de l’expulser s’il ne fait pas d’efforts.

Michel continue ses nombreuses conversations avec lui et lors d’une nouvelle  visite à  l’école vers la moitié de l’année scolaire, j’apprends qu’il y a un très léger mieux au niveau de son comportement. Il reste beaucoup de travail à faire, mais le moindre petit mieux nous donne espoir et courage, et nous montre que ça vaut la peine de continuer. Je rends régulièrement visite à la maman de Caïque, lui apportant en même temps des colis alimentaires pour aider la famille. Entre-temps, en septembre,

Flaviana a eu un dixième enfant... ce n’est pas pour arranger les difficultés familiales déjà si nombreuses! Je lui dis très délicatement que maintenant, elle devrait peut-être faire attention, car 10 enfants à élever, ce n’est déjà pas simple. Elle me répond que le nécessaire a été fait en ce sens lors de la césarienne, que ce sera son dernier enfant. Ouf! Lors de chaque visite à Flaviana, elle me dit que Caïque adore Crianças do Mundo, qu’il se lève tout seul à 6h du matin pour être sûr de ne pas rater notre bus et qu’il n’est pas question de manquer un seul jour! C’est chouette, car c’est sans doute pour cela qu’il fait des efforts, il a peur de perdre sa place chez nous.

L’année 2016 se termine et notre petit Caïque va beaucoup mieux. Loin d’être un enfant facile, il a tout de même bien évolué et est devenu plus calme. A tel point que les autres enfants commencent à l’accepter dans le groupe et à l’appeler davantage pour jouer avec eux.

Il n’y a presque plus de bagarres et le plus chouette : Caïque a appris à sourire! Il est moins agressif et on le sent plus heureux et détendu. Même s’il ne l’exprime pas, il montre qu’il adore être à Crianças do Mundo où il semble avoir trouvé la joie de vivre. A l’école, l’évolution se remarque également et Caïque parvient à se tenir en classe et à travailler. Le plus étonnant vu son comportement initial : Caique est un enfant intelligent qui apprend vite quand il le veut.

En ce début d’année 2017, Caïque est revenu parmi nous après un mois de vacances. Nous craignions le pire après cette longue absence, mais même s'il revient à nouveau un peu plus agité, Caïque n’a heureusement pas perdu tout le bénéfice acquis pendant l’année et demie passée chez nous. Nous voilà à nouveau avec toute une année devant nous pour continuer à aider Caïque à évoluer et à se transformer petit à petit en un chouette petit bonhomme. Il nous est arrivé d’accueillir des enfants et de ne pas pouvoir les garder. C’est très triste dans le cas d’ un enfant de 9 ou 10 ans de se rendre compte qu’il n’y a plus rien à faire pour lui et nous le vivons comme un échec. C’est heureusement très rare. Et comme Caïque, la plupart des enfants que nous accueillons dans notre grande famille évoluent positivement, certains plus lentement que d’autres, mais l’évolution est réelle et c’est l’essentiel. Nous continuons donc avec Caïque, et nous espérons que d’ici quelques temps, il sera un petit garçon tout à fait heureux et épanoui. C’est notre but !

Evelyne

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