Ismaël est un petit bonhomme de 8 ans que nous avons accueilli à Crianças do Mundo en mai de l’année 2012, il y a donc un peu plus de 6 mois. Une petite tête d’ange, mais un vrai petit diable !... Quelques jours avec Ismaël suffisent pour comprendre qu’avec lui, on aura du pain sur la planche! Les enfants que nous accueillons les dernières années sont beaucoup plus agités et indisciplinés qu’avant, mais avec Ismaël, le défi sera encore plus grand!
Les premiers jours sont tellement difficiles qu’on se demande si on pourra le garder. Super agité, il est incapable de rester assis plus de deux minutes sur sa chaise pendant l’étude. Sa professeur doit user de toutes les méthodes imaginables et d’énormément de patience pour tenir bon et veiller à ce qu’il ne perturbe pas complètement le reste du groupe. Il passe son temps debout, à circuler dans la salle d’étude, à provoquer les autres enfants, à toucher à tout , à prendre le matériel des autres ... bref, un vrai ouragan! En plus, il n’écoute pas du tout quand on lui parle, incapable de se concentrer sur ce que l’autre dit, qu’il soit adulte ou enfant. Au niveau scolaire, il est terriblement en retard. Bien qu’il soit en deuxième année primaire, il ne sait absolument RIEN, pas même écrire son nom.
Notre professeur d’alphabétisation le prend donc en charge . Ismaël n’a aucune notion de quoi que ce soit, pas seulement au niveau scolaire. Au réfectoire, il perturbe le repas de tous, ne restant pas assis là non plus; il n’a aucune notion de comment se tenir à table, ni de la façon de manger. Pendant les activités sportives et autres ainsi que pendant les moments libres de jeux, il perturbe également. Il ne parvient pas à suivre les activités proposées, il provoque sans cesse les autres enfants et cherche la bagarre constamment. Il est de cette façon mis un peu de côté.
Lorsque je me rends à son école, je me rends compte que la situation est encore pire. L’attitude d’Ismaël dans une classe de 35 enfants ne peut qu’être insupportable, et c’est le cas, surtout qu’il n’est pas le seul enfant difficile. Il en est déjà à sa troisième classe depuis le début de l’année, ses institutrices ne voulant plus de lui. Mais quand je fais la connaissance de sa famille, je comprends mieux le comportement d’Ismaël. Il a vécu l’enfer les premières années de sa vie. Un père qui buvait et se droguait et maltraitait sa mère. Il a assisté à d’horribles scènes entre ses parents. Une petite fille est née 2 ans après lui, mais ça n’a rien arrangé. La maman a fini par se séparer de son mari et est retournée vivre chez sa mère avec ses deux enfants. Depuis un an, le couple a décidé de revivre ensemble, le père ayant arrêté de boire et de se droguer. Mais il a à présent de sérieux problèmes de santé et ne travaille plus. La maman travaille comme ménagère dans une école. Ils vivent chez les beaux-parents, n’ayant pas les conditions de payer un loyer.
Sachant tout ce qu’a vécu Ismaël, nous comprenons pourquoi il est si perturbé et aussi combien il a besoin de notre soutien. Nous ne pouvons vraiment pas l’abandonner. Toute notre équipe va s’unir pour l’aider au maximum , avec le plus de patience et de tendresse possible, ce dont il a tellement besoin. Sa carence affective est énorme !
Les mois s’écoulent, sans grands changements; le découragement se fait parfois un peu sentir, l’impression de n’arriver à rien. Mais en septembre, 4 mois après son arrivée, nous commençons à voir une évolution, petite mais réelle, et l’espoir renaît. Ismaël commence à se socialiser, à mieux se tenir à l’étude, au réfectoire, pendant les activités... et il commence à lire et écrire. Il parvient enfin à se concentrer, à écouter, et assimile petit à petit tout ce que nous essayons de lui apprendre. Ça semble presque un miracle, mais c’est réel! Il se fait des amis parmi nos autres enfants, se bagarrant beaucoup moins et apprend le sens de l’amitié et de l’entraide. Il est de plus en plus affectueux, embrassant en serrant très fort, avide de donner et de recevoir de l’affection.
A l’école, où je devais me rendre souvent pour entendre les lamentations de tous à son sujet, j’apprends dans le courant du mois d’octobre qu’Ismaël fait quelques efforts. L’évolution n’est pas si nette que chez nous, mais il y en a une et c’est une victoire! Son institutrice semble vouloir lui donner une chance cette fois. La collaboration entre l’école et nous semble enfin porter ses fruits.
Début novembre, ses progrès sont nets et visibles par tous. Il devient un chouette petit bonhomme, beaucoup plus souriant, ami des autres, affectueux et tous s’accordent à dire qu’il a fait d’énormes progrès ces dernières semaines. A tel point que Michel décide d’écrire une lettre à ses parents, relatant l’évolution d’Ismaël et le félicitant pour ses efforts. Ses parents avaient déjà entendu beaucoup de réclamations; il était important maintenant de leur dire combien Ismaël allait mieux. La lettre a fait tellement plaisir, que la maman d’Ismaël en a pleuré 4 fois de joie nous a dit le gamin! Et elle trimballe cette lettre partout où elle va, la montrant à tout le monde! Ismaël se rend compte combien il peut rendre ses parents et tous autour de lui heureux et ça aussi, c’est important.
Les deux, trois dernières années, les choses ont beaucoup évolué et notre travail est bien plus difficile qu’auparavant. Les enfants ont changé, parce que la société et ses valeurs ont changé. Il faut s’y adapter et tout faire pour maintenir les valeurs essentielles envers et contre tout. Ce n’est pas simple tous les jours et nous avons des moments de découragements, nous demandant si tout ça sert encore à quelque chose. Mais lorsque nous regardons notre petit Ismaël, nous nous disons que nous ne perdons peut-être pas notre temps après tout. Il y a Ismaël, mais il y en a d’autres, tant d’autres qui ont besoin de notre aide, qui arrivent sans aucune structure ni éducation, et qui évoluent tellement. Que deviendraient-ils sans Crianças do Mundo? Alors nous devons continuer et faire face aux difficultés, coûte que coûte, pour aider tous ces petits bonhommes à se construire et à se préparer à l’avenir qui ne sera pas facile pour eux. Ils doivent apprendre à lutter, mais aussi apprendre à aimer et être aimé, à partager, à respecter, à vivre au milieu des autres. Ismaël nous a montré que ce que nous faisons, avec vous tous qui nous aidez, est non seulement utile, mais indispensable.
Evelyne
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